Nuku Hiva

A bâbord, une escadrille d’oiseaux virevoltent, plongent et crient. Ce manège suffit pour nous détourner de notre route, on fait cap sur eux. En passant au milieu de cet attroupement, nos lignes de traîne sont subitement secouées et se tendent dangereusement. L’une des 3 est sectionnée. Rapidement nous nous préparons à la sortie de nos poursuivants. C’est lourd et cela se débat ce qui nous laisse présager de grosses prises… Ça l’est en effet : un gros thon jaune bien dodu qui doit faire ses 8 à 10kg… Déjà on ne sait si nous pourrons tout manger ! Le 2 eme pourtant attend sort. En sortant le frère jumeau, on constate que l’hameçon ne l’a pas trop esquinté, aussi on lui redonne sa liberté.
On est super content de cette prise car le thon jaune est un délice, de plus cela nous permet de manger un peu de protéines.

Vu que la météo ne semble pas s’arranger dans la prochaine semaine, nous avons décidé de rejoindre des mouillages que nous ne connaissons pas autour de Nuku Hiva. François qui vit là, nous a dévoilé quelques spots secrets, nous avons juré de ne pas les révéler. On ne donnera donc aucun nom mais ils se trouvent à l’Ouest…

Ces terres désertes sont actuellement vertes avec toute la flotte de ces derniers mois. De grands canions coupent les montagnes et des vallées encaissées remontent jusqu’au sommet de l’île.
Nous découvrons une magnifique baie cerclées de rochers et une eau claire dans laquelle nous jetons l’ancre. Nous ne tardons pas à sortir le masque et les palmes pour une inspection du fond.
De grosses Carangues curieuses viennent nous tourner autour, nous croisons dame tortue qui accepte notre compagnie, nous la suivons tout en se laissant inspirer par sa nage gracile. Quelques raies léopard en famille tournoient en dessous de nous, l’une d’elles intriguée certainement par la couleur jaune de mes palmes remontent à la surface, quelques requins viennent nous saluer d’un air tranquille…

De retour au bateau, une douce sensation nous étreint, celle d’être à nouveau dans les lieux que nous aimons. Ce bain de nature sauvage ravive tout le plaisir que nous avons à voyager avec un voilier.
Le lendemain, après une nuit bien houleuse, nous poursuivons notre route. Une bande de dauphins nagent à nos côtés.

Les terres de l’Ouest s’étendent sous nos yeux dans une dégradé de verts. Une autre baie s’offre à nous, avec en prime une petite plage de sable blanc. Aussitôt l’ancre posée, on aperçoit des grandes ailes qui battent à la surface, notre curiosité est piquée. On saute à l’eau avec nos masques. Ces ailes majestueuses se laissent approcher et volent sous nos yeux ébahis parfois à quelques centimètres : des raies manta !!! Elles sont en train de manger mais cet acte est proche d’une parade.

La gueule grande ouverte (nous pouvons voir l’intérieur de leur estomac) elles battent délicatement des ailes, puis effectuent une figure artistique au plus haut point : un looping. Nous montrant ainsi leur ventre blanc. Parfois elles font un demi tour, venant droit sur nous avec une bouche prête à nous engloutir. Un seul petit mouvement de l’énorme nageoire et elles nous frôlent. Nous serions presque tenté de toucher ce velours marron qui les recouvre. Mais par principe nous ne touchons jamais aux bestioles aquatiques pour ne pas enlever leur protection ou les souiller de nos plaisirs égoïstes.
Il arrive parfois que ce soient elles qui recherchent le contact : comme cela nous est déjà arrivé avec des raies pastenagues qui venaient se frotter sur nos corps, ou des poissons curieux, dans ce cas c’est différents…

Le mouillage est vraiment plaisant, bien protégé de la houle. Un endroit ou l’on se sent bien malgré la chaleur. Nous allons à terre pour tenter de marcher mais au bout de 2h nous sommes liquéfiés. Le soleil nous bombarde de ses rayons solaires et nous n’avons qu’une envie retourner dans l’eau et retrouver nos raies !
Le bateau d’un couple d’Américain vient mouiller à nos côtés, nous leur portons du poisson afin de vider un peu notre frigo, en échange ils nous donnent un bout de Tazard qu’ils viennent de pêcher et nous partageons des bonnes bières fraîches…

La terre Marquisienne vibre, est-ce lié à ce potentiel de vie qu’elle contient ? Son sol est riche, fertile, tout ce qui en sort est comme un sourire de générosité, à l’image des gens qui sont nés les pieds dessus. En plus, mère nature a su faire jaillir une création très artistique, d’une beauté époustouflante.
Dans son soucis de diversité, elle a doté chaque île d’une particularité : parfois des pitons abruptes, parfois de hautes montagnes aux formes pittoresques, des forêts luxuriantes aux essences variées et précieuses, des cascades, des ruisseaux, des parties arides et désertes, des plateaux étonnants, des côtes découpées, de hautes falaises, des plages de sable blanc, noir…
Tout cela exerce une sorte de fascination naturelle, à moins que cela soit ce que les Marquisiens appellent : le Mana ?

Le 22/05

Nous hissons nos voiles en veillant à prendre un ris car nous savons qu’au cap cela risque fort de prendre des tours. Et cela ne manque pas, 25 nœuds en pleine face, une bonne houle et pour couronner le tout, la ligne de traîne s’agite. Pas facile de la relever, lorsque le bateau est à la gîte et tangue méchamment!!! Là en plus, il y a du poids… On sort les gants après s’être échaudé les mains avec le fil ! Notre proie nous apparaît enfin à côté du bateau ; Enorme ! Monstrueux ! Vu sa taille on peut supposer que l’affaire n’est pas gagnée. Il faut faire vite car l’hameçon peut lâcher, mais pour le sortir de l’eau, on ne sait comment s’y prendre. Nous tentons de harponner le poisson avec notre crochet. Mais avec son poids la chaire se déchire à plusieurs reprises. Après l’avoir à nouveau crocheté, nous mettons nos dernières forces et expédions notre Tazard ( ou Waou) d’1,50m dans le cockpit !!

Quelle prise impressionnante, une des plus belles !!! Et ben va y avoir du boulot…
Nous avions encore du thon, mais nous voulions donner du poisson aux habitants du mouillage du Nord , là où nous allons! Pour le coup, on aura de quoi partager !
Un mouillage fabuleux nous attend : une plage de sable, des cocotiers et en arrière plan de hautes montagnes découpées toutes vertes…

Sitôt arrivés, nous tronçonnons notre tazard à la scie à métaux, nous ne gardons qu’un tout petit bout et apportons le reste aux habitants du lieu. Il n’y a que 3 cahuttes et 3 hommes à l’ombre accueillent avec joie ce présent qu’ils mettent illico au congélateur solaire. Ils nous chargent en retour de pamplemousses, citrons, eau de source… Ils nous mettent leur jardin à notre disposition.
Pour le moment nous ne pouvons nous adonner à la cueillette car un grand ménage du bateau s’impose : il y a du sang partout.

L’un de ces mecs est le descendant de la lignée royale ( rien que ça ! Mais à voir sa masure et son short élimé, on pourrait en douter ! Par contre l’étendue de sa propriété enlève tout doute, même la baie lui appartient…)

Le lendemain, malgré une otite carabinée ( liée certainement à l’abus de plongées en apnée) de Marco, nous allons explorer les terres en suivant l’unique sentier. Des chevaux, des vaches, des chiens sont en liberté tout autour des quelques habitations. Quelques vestiges témoignent d’une époque où ce lieu fut très habité ( 10 000 personnes vivaient là) il n’en reste plus que 3 !!!
Arrivé de l’autre côté du col, des pitons rocheux viennent donner au panorama toute sa majesté.

Le chemin se poursuit et permet de rejoindre un village situé à 3h30 de marche. Un isolement qui ne semblent pas déplaire à nos compères de ce lieu. Avant de reprendre l’annexe, ils nous donnent à nouveau de quoi la remplir : pamplemousses, citrons, noix de coco… Marco souffre et s’écroule jusqu ‘au soir imbibé de doliprane. Durant la nuit il est terrassé par la douleur et malgré les puissants antidouleurs à base de morphine ( périmés depuis 2 ans) rien n’y fait, il ne ferme pas l’oeil et gémit dans sa cabine !! Il est coincé sur ce bateau loin de tout et n’a d’autres choix que de subir. Heureusement on a des antibiotiques, mais avant que cela fasse effet….

Le 23/05

La mine déconfite et enflée, les yeux hagards, mon capitaine a vraiment une sale gueule. C’est pas le jour à le chatouiller, aussi je me fais toute petite et m’occupe en râpant quelques noix de coco, en préparant de bons desserts, en faisant des bananes sèches car tout notre régime a mûri d’un seul coup !
Heureusement le mouillage est tranquille côté houle et vent ! Marco retourne dans son nouveau lieu de prédilection : son pieux !

Après 4 jours Marco va un peu mieux, bien qu’il n’est plus d’audition côté droit. Nous avons rejoint le mouillage d’Anaho, en quelques bords de près, avec pour toile de fond : des pitons et un décors somptueux.

Quelques jours plus tard, on revient au village de Taiohae afin de vérifier par la prise de bulletins météo complémentaires qu’un créneau est possible pour partir aux Tuamotu. En chemin, nous heurtons 2 gros troncs d’arbre. L’un nous dézingue notre sondeur, l’autre nous arrête net en se prenant dans notre safran. Marco doit aller dans l’eau pour le dégager. Nous pêchons encore un petit tazard de 80 cm, nous nous réjouissons que ce ne soit pas un gros…

Une bande de dauphins excités sautent autour de nous, ils semblent en fête… Nous le sommes avec eux!

Demain nous devrions prendre la mer, vent calme ( peut être même un peu trop! peu de houle). Nous comptons 5 jours pour rejoindre Makémo… Cette fois c’est partit…

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