Vers les Galapagos

Nos yeux remplis vont pouvoir contempler le grand désert d’eau qui s’étend jusqu’à l’île de Paques. 4000 km nous attendent soit trois semaines de mer. Nous pensons mettre les voiles Dimanche!!
Donc une bonne interruption dans le blog! mais je suis sure de quoi le remplir à notre arrivée sur les terres des statues! Donc à très bientôt! Tenez vous au chaud…

GALAPAGOS : signifie en espagnol tortue géante. Isabella est la plus grosse île de l’archipel, la plus belle et cependant la moins fréquentée par le tourisme. La plupart des structures hôtelières se trouvent à Santa Cruz qui est la capitale. Cependant bon nombre de touristes débarquent à Isabela en bateau charter. Les touristes se voient dans l’obligation de prendre des tours organisés s’ils veulent découvrir cette île. Nous voyons donc débouler des visages tous blancs, encadrés de leur gilet de sauvetage. Ils se rendent tous sur les mêmes lieux sur les îlots ou à terre. Beaucoup d’endroits nécessitent d’être accompagné par des guides. C’est un peu le côté chiant. Mais d’un autre côté cela permet aux îliens d’avoir du travail et également de préserver les lieux en parquant toute cette faune de curieux. Il faut bien avouer que l’homme en liberté a souvent des comportements inadéquates à l’égards de la faune. La tentation de vouloir toucher les animaux, leur donner à manger , ne pas respecter leur espace… oblige à mettre un cadre. Quand l’homme s’éloigne de la nature, il semble qu’il perde son bon sens et le respect de celle-ci.

Le fait d’avoir une annexe, nous offre une certaine liberté. Et ce n’est pas mon renard qui va se joindre au troupeau ! Aussi nous arrivons à nous faufiler et découvrons les différents attraits de l’île en dehors des itinéraires prévus. Sur les îlots voisins le paysage est surprenant. Des roches noires volcaniques aux pointes blanches s’étendent comme un désert. C’est le royaume des iguanes, les maîtres de ce lieu aride, où seuls quelques buissons se démènent pour pousser. Ces dinosaures miniatures sont sur chaque roche, sur le chemin, au bord de l’eau , dans l’eau. Ils sont très bons nageurs. De couleurs et espèces différentes certains tirent sur le noir, d’autre le gris, le orange, le vert… certains ont des crêtes plus garnies, et pas le même gueule. Ils ne sont pas très farouches, mais peuvent cependant détaller rapidement.

Cela est fascinant d’observer un telle quantité d’iguane dans leur milieu naturel. Autour de ces ilots des raies mantas, tortues, pingouins abondent. Sur Isabela, des étangs salés intérieurs aux teintes oranges abritent des flamants roses. Nous avons pu voir des tortues géantes de terre, certaines vieilles de plus de 150 ans dont la grosseur laisse pantois.
Quant aux oiseaux, c’est un spectacle que de voir ces milliers d’oiseaux en escadron chasser. Leur technique de chasse est très organisée, ils plongent en piqué synchronisé en poussant des cris de guerres. Que de trésors vivants sur ces îles perdues dans le Pacifique…

Le 27/01

Ce matin les autorités en uniforme ont investi notre bateau. Ils sont 6 à bord, posant des questions, ouvrant nos tuperwares, vaporisant des bombes de désinfectant. L’agent à glissé à l’oreille de Marco que si nous ne voulons pas nous faire éjecter, nous devons dire que nous avons un réservoir d’eau noire. Je laisse le soin à Marco de mentir effrontément. La jolie chinoise en costume de garde du parc a viré au vert et transpire à grosse gouttes, elle doit avoir le mal de mer.

Elle demande à Marco à voir le réservoir en question. Marco la conduit vers la cabine avant là où nous entreposons tout notre fourbis. Il lui dit qu’il est derrière l’amoncellement d’outils. Rien que le fait de se pencher et d’imaginer ce qui l’attend lui met un haut le cœur. Elle n’insiste pas et croit sur parole notre menteur.

Notre inspection est terminée, on est tranquille.

Un bateau de jeunes Autrichiens vient d’arriver. Nous nous informons de leur traversée, leur tête en dit déjà long. Ils sont partis le lendemain de notre départ des Perlas et ont eu donc les même conditions que nous les deux premier jours. Après s’être fait bien secoué, ils ont opté pour longer les côtes Colombiennes. Ils se sont retrouvés à proximité de bateaux de pêches aux filets flottants et de bateaux de trafiquants. Pressentant le danger, ils ont mis le moteur pour s’éloigner à l’ouest. Leur hélice s’est pris dans un filet. Après s’en être dépêtré, un bateau les a pris en chasse. Des hommes en cagoule les ont abordé. L’un d’eux a demandé à David s’il avait de l’eau. C’est la technique pour que le propriétaire aille à l’intérieur et qu’ils puissent monter à bord.
David les jambes flageolantes leur a demandé s’ils ne préféraient pas de la bière.

Est ce sa gentillesse qui a ému ces bandits ou le fait que leur petit rafiot de 9 mètres un peu pourri n’avait pas grand intérêt ? Toujours est-il qu’ils sont repartis avec leur bière et les Autrichiens avec la peur au ventre. Leur moteur a souffert durant plusieurs jours, ils ont mis les gazs pour s’éloigner au maximum des côtes.

Le vent n’a pas été très sympa non plus avec eux. Ils ont mis 10 jours et leur traversée ne fut pas des plus agréables, voire les a peu traumatisé. Décidément la même traversée peut être vécue de bien des façons !!! En tout cas ils sont bien sympas et cela nous fait tout drôle de croiser de jeunes navigateurs.

Panama City

Le 10/01

Le vent descend des terres panaméennes plus fort que d’habitude ce matin. Le fond sur lequel repose l’ancre est de la vase, nous craignons que le bateau dérape. Je suis donc chargée de la surveillance du bateau, pendant que Marco part remplir les bouteilles de gaz ( à plus d’une heure et demi de voiture aller et idem retour) et faire les courses.
Il est préférable d’ailleurs que quelqu’un reste à bord car hormis les risques de déraper, il y a le risque de vols. Toute cette zone du Panama grouille de racailles.
Après une journée démente, Marco revient chargé de vivres, gaz, gazole, et de trésors… Il s’est offert de merveilleux joujoux : des rapalas tous neufs et me ramène une surprise. Il m’a trouvé ma bière favorite Belge ( la Karmélite) nous nous la réservons pour le passage de l’équateur. Il m’a dégoté une vraie boule de pain au goût de France et du beurre président salé ! Il n’est quand même pas allé jusqu’à me décrocher un camembert, mais quand même… On imagine pas que le palais puisse nous plonger dans de tels états d’extase avec une simple tartine, ravivant des souvenirs patriotiques !! Les papilles au fil du temps de ce voyage perdent le souvenir de la bonne bouffe au bénéfice de saveurs nouvelles. Cependant lorsqu’elles sont à nouveau stimulées par une mémoire gustative , elles s’affolent en une explosion de saveurs et de souvenirs…
Jamais, tartine n’a eu si bon goût !

Panama City – Las Perlas

Le 11/01

La ville n’est vraiment pas un endroit pour nous, comme nous avons accompli notre mission avitaillement, nous décampons.
Retour aux Perlas sur nos îles désertes à 40 milles.
Marco frétille car il va tester ses nouveaux leurres, il a mis des hameçons renforcés, une ligne avec câble d’acier et ficelle résistante à des centaines de kilos. Cette fois on ne lui arrachera pas ses joujoux… et les gros peuvent venir…
Que le festival commence !!!
Jamais nous n’avons connu un tel délire au niveau de la pêche.
C’est un véritable défilé, après les avoir remonté et libéré de l’hameçon avec soin, Marco les remet à l’eau : grosses Carangues, thons à la pelle…
Une grosse Coryphène vient mordre, celle-ci, nous pensons bien la garder. Hélas elle se décroche au dernier moment.
Nous sortons deux Tazards juste avant d’arriver qui eux finissent dans les tupperwares avec un thon.
Comme nous pensons aller au village de Pedro Gonzales faire de l’eau, nous réservons deux poissons à donner.
Une évidence s’impose, le choix des leurres est essentiel. Nous sommes armés à ce niveau.
Après 9 heures de navigation au moteur sur une eau plate, nous approchons de l’île.
Un souffle nous met en alerte et peu de temps après Moby Dick apparaît non loin du bateau.
Cette fois nous décidons de traquer l’animal pour tenter de faire quelques clichés.
Je prends la barre et envoie le reporter photo à l’avant.
Quelle n’est pas sa surprise de voir la baleine ouvrir une large bouche et lui sourire de tous ses fanons et ce à 20 mètres ! Il est tellement hypnotisé par son charme qu’il en oublie de la photographier.
La belle disparaît à nouveau et notre chasse se poursuit. Nous tentons de deviner là où elle va sortir, ça nous donne le palpitant… Nous pouvons imaginer le sentiment des chasseurs de baleine, à la différence que la traque à l’image est moins sanguinaire !!!
A plusieurs reprises elle fait des apparitions mais plus loin… Ces bestioles sont extraordinaires, il se dégage d’elles une telle puissance !. Nous sommes heureux comme des gosses d’avoir pu l’approcher ainsi !
L’heure tourne, le soleil décline et il nous faut hélas, penser à poursuivre notre route, si nous voulons trouver un mouillage pour la nuit.
Nous avons trop traîné à la poursuite de Moby Dick, aussi notre choix se porte sur le premier mouillage au nord de Pedro Gonzales. La nuit est déjà là, lorsque nous jetons l’ancre dans cette baie exposée au vent et houle.
Le temps de manger et déjà le vent monte. Toute la journée nous l’attendions et à présent que nous n’en voulons plus il se ramène.
Il forcit encore, pas d’autres alternatives que de s’en aller car la houle ne va pas tarder à arriver.
Je ronchonne car je n’ai guère envie de m’activer à cette heure et préférerais dormir.
Avec un bon 20 nœuds, sous voile au travers, nous partons rejoindre Viveros à 10 milles de là.
En connaissant le mouillage, nous avons les repères suffisants pour arriver de nuit. Prions pour ne pas rencontrer des troncs d’arbres en chemin car ils sont fréquents dans le coin !!!
Même si le mouillage est plus sécuritaire, il n’en est pas moins agité.
Je me retrouve plongée dans un cauchemar où nous sommes pris dans une tempête, le bateau en perdition… Je me réveille terrorisée dans ma cabine où je valdingue de tous côtés. Mon rêve est proche de la réalité, même si nous ne sommes pas en perdition.
Décrire le roulis d’un bateau ne peut s’expliquer par des mots, il faut le vivre… Je pense que plus d’un serait surpris de l’intensité et parfois de la violence.
On en a marre de ces nuits mouvementées et l’on va y remédier…

Le 12/01

On se barre de là pour retourner à Pedro Gonzales l’unique lieu où nous pouvons remplir nos réservoirs d’eau. Pas d’eau courante à ce petit village, mais au cœur des habitations colorées se trouve un tuyau d’eau. Des villageois remplissent leur seau et nous attendons notre tour avec notre bidon. Nous allons passer ainsi notre matinée à charger cette précieuse eau à bord. Nous faisons de nombreux allers -retours en annexe, les vagues ne nous facilitent pas ce labeur !!.
Nous donnons à des gamins qui passent sur la plage le poisson pêché de la veille, et quelques bonbons. Ils nous gratifient de leur plus joli sourire.

Le seul mouillage protégé se trouve à San José complètement au sud et loin de toutes connexions téléphone et internet. Nous avions passé noël là bas, l’endroit est super. Le problème c’est qu’il est plus difficile de se tenir au courant de l’évolution météo.
Nous retrouvons avec délice une eau et un sommeil calmes et paisibles. Cela fait 15 jours que nous n’avions pas eu un tel confort !
Pour une fois nous ne sommes pas seuls au mouillage, un bateau nous a suivi et à jeté l’ancre pas loin de nous ! Il s’agit d’un couple de Suédois.

Du 13 au 15/01

Je retrouve ma rivière dans laquelle je peux faire quelques lessives et mes chitras qui n’attendaient que moi. Cette fois ils se sont occupés de mes fesses et mon dos, je suis couverte de boutons.

Nous faisons connaissance avec les Suédois, qui eux aussi partent aux Galapagos.
En consultant les cartes météo par irridium, Marco voit qu’un départ est envisageable le lendemain.
Nous les informons de notre intention de prendre la mer, ce qui les décident à nous suivre. Nous convenons de nous joindre par VHF et en cas de problèmes nous échangeons nos numéros irridium.
Nous n’avons pas d’autres choix que de profiter des vents un peu musclés pour se rapprocher au maximum de l’équateur. Les trois prochains jours risquent fort d’être intenses.

Le 16/01 En route vers les GALAPAGOS

1er Jour

Nous partons au lever du jour, les Suédois lèvent l’ancre un peu plus tard.
Le vent peut enfin gonfler nos voiles, voilà trois semaines que nous l’attendions.
Marco met ses lignes à l’eau et déjà deux thons affamés viennent mordre. Mais nous les remettons vite à l’eau ! On n’en peut plus du thon !!
« Dis donc !si on s’occupait du bateau plutôt que des poissons, le régulateur n’est pas mis et il faudrait tangonner !!!
Sitôt dégagé de l’île, le vent forcit à 20 nd, nous obligeant à manœuvrer rapidement.
Une méchante houle de travers nous bouscule.
Une fois l’installation faite, Marco retourne à son occupation favorite et remonte encore quelques thons, avant qu’une belle dorade Coryphène ne morde.
C’est un mâle de 96 cm. Il a une grosse bosse sur la tête qui lui fait une sale gueule. Mais ses couleurs jaune canaris avec des points bleus, ses nageoires vertes compensent son atrophie.
Celui-là ne rejoindra pas ses copains les thons, mais prendra la direction du frigo. La pêche est déjà terminée.

Dans cette première partie ce sont les courants qui vont conditionner notre route. Mon capitaine a dégoté une précieuse carte les mentionnant. Vue leur force mieux vaut les avoir avec nous. Nous sommes presque vent arrière et le courant varie entre un et deux nœuds. Conjugué au vent qui se renforce peu à peu, Tidoudou établie des pointes à 8,6 nœuds.( un miracle!)
Malgré cette vitesse euphorisante, il faut penser à réduire la voilure car le pilote n’arrive plus à suivre et la houle est féroce.
L’Opération trinquette tangonnée va nous donner du fil à retordre.
Il nous faut reprendre nos repères et là nous les perdons totalement. Les bouts s’en-mêlent coinçant la trinquette hissée. Elle claque dans tout les sens avec le tangon au bout. Je tente de le maîtriser, le temps que Marco aille affaler, mais c’est le tangon qui me maîtrise, quand ce n’est pas la houle. Il m’envoie valdinguer, il tape de tous côtés. Une espèce de folie s’empare du bateau et de nous avec. Nous hurlons, nous jurons, nous nous démenons comme des diables.
Quand enfin nous arrivons à reprendre la situation en main. Marco est vidé, au bout du rouleau.
« J’en ai marre du bateau ! Fait chier, y a jamais rien qui va … un coup y a pas de vent , un coup y en a trop, on se fait défoncer par la houle, toujours un truc qui se coince, qui casse, sans parler de cette chaleur de fou… j’en peux plus… J”en ai MAAARE !!! »
Ce petit coup de moins bien traduit aussi une tension accumulée par cette longue attente aux Perlas.
Le soucis météo, le choix de la route, le sommeil perturbé par un tangage continuel, les réparations, les préparatifs… Pour lui le temps aux Perlas ne fut pas vraiment des vacances…
Vivre à bord d’un bateau et naviguer est loin de n’être qu’une partie de plaisir. Ça l’est bien souvent heureusement !!! si non, nous ne serions pas là, à se faire ballotter et subir les caprices du vent.
Nous savons l’un comme l’autre cependant que nous ne changerions pas ce choix de vie.
Des rafales de 25 à 30 nd maintenant, nous ramènent à notre sort présent.
Nous sommes proche du cap Mala qui ferme le golf du Panama.
La trinquette permet de conserver une bonne allure sans se faire trop bousculer, ce qui nous laisse envisager quelques heures de sommeil cette nuit.
Un petit appel VHF aux Suédois pour prendre des nouvelles. Ils font route un peu plus à l’Est, mais ne sont pas très loin de nous ! Nous ne les apercevons cependant pas.
Les dernières infos météo, nous informent que le vent va encore forcir durant la nuit. Nous devons donc enlever le tangon par sécurité. La pleine lune éclaire notre manœuvre nocturne.
Nous sommes à présent sous voile réduite au maximum. La seule petite trinquette nous propulse cependant à plus de 7nd.
La houle fait place à de grosses vagues dont l’écume déferle. Heureusement nous les avons de cul.
Les appuis du bateau se font incisifs, l’étrave vibre par la vitesse, les secousses sont violentes.
Nos esprits en alerte veillent toute la nuit sans pouvoir s’accorder un peu de repos.
Nous avons parcouru 149 milles en 24h.

Le 17/01 – 2eme jour

Ce matin, les conditions sont identiques, seule la trinquette claque au vent. (25 nd constant avec des rafales à 30). Les murs d’eau outre- mer animent l’horizon. Les franges blanches qui ourlent les vagues viennent parfois s’exploser contre la coque. Tous les hublots sont fermés. Vue l’état de la mer nous préférons rester à l’intérieur allongé et fermer les yeux.
Nous faisons le constat suivant : 80% du temps, les navigations sont agitées et épuisantes.
Autre constat : il faut être un peu fou pour naviguer.
Je voyais le Pacifique tel que son nom l’indique, peut être attend-t-il un peu avant de se dévoiler…
En tout cas nos tronches ce matin n’ont rien de Pacifique.

Les conditions faiblissent doucement dans l’après midi. Le génois est hissé.
Fin de journée, le vent lâchement nous abandonne, nous laissant entre les mains de la houle qui s’occupe de notre cas. Aucune pitié pour le bateau, ni la malheureuse voile molle qui claque privée de son dû ! Le bateau s’emplit d’un joyeux tintamarre, les contenus des placards sortent leurs castagnettes et suivent la mélopée endiablée. Le bateau ivre avance à 1,5 nd.
Le tangage est tel que Marco n’est pas bien et doit s’allonger dehors. Connaissant son aversion pour le gréement malmené, j’attends qu’il craque. Ce qui ne tarde pas. En deux temps trois mouvements, la voile est rangée, le moteur allumé et poursuivons notre route. Il va nous falloir gérer au mieux notre réserve de gasole…
Après 5h de moteur, une mer calme accompagnée de 8 nd de vent d’Ouest apparaissent.
Les changements peuvent être si radicaux sur l’eau !
Sous le regard de la lune nous hissons grand voile et génois et tirons un bord de près. Ce confort soudain nous surprend, rien ne claque, et nous pouvons nous accorder 3 heures de sommeil.
Cette aubaine dure peu car au lever du jour, le vent d’Ouest faiblissant ne porte plus les voiles.

Distance parcourue ce 2em jours : 120 milles.

Le 18/01 – 3eme jour

Revoilà le coquin de vent du Nord, comme pour se faire pardonner de son sale coup d’hier, il nous gratifie de sa douceur. Notre joli spi se trouve rempli de son souffle.
Nous apercevons le rocher de Malpelo, Marco serait tenté de s’y arrêter pour découvrir la richesse sous marine. C’est un sanctuaire à requins et tout autour un bocal à poissons. Moi pour l’instant tout ce qui m’intéresse est de dormir. Mon cerveau est englué, il fonctionne au ralenti. J’ai la nausée de manque de sommeil et ma gueule des grands jours !!! 3h de sommeil en 48h ne me satisfont pas.
Comme le doux vent se maintient, nous optons pour ne pas nous arrêter à cet étrange rocher isolé. Il est cependant habité par des gardes côtes et une association de chercheurs dans le milieu marin.
La navigation est de l’ordre de la perfection, nous glissons tout en douceur…
Le contraste avec la journée d’hier est saisissante.
Au dernier soupir du vent à la tombée de la nuit, le moteur est remis en route.
Il semble que nous ayons rejoint la zone de convergences tropicales. Vents faibles ou pas, avec des directions changeantes, nous sommes également entouré de grains et de rideaux de pluie.

Distance parcourue ce 3eme jours : 110 milles.

Le 19/01 – 4eme jour

Chaque jour sur l’eau est vraiment un nouveau jour. Il ne peut y avoir de routine, ni de lassitude..

La mouvance colore l’existence. L’univers qui nous entoure a un impact direct sur notre journée.

La mer s’est parée d’un manteau gris, légèrement ondulant. Étonnamment nous ne voyons plus de chasses ou de poissons sauter.

La direction du vent nous surprend encore passant du Sud Ouest au Sud Est avec 8- 10 nd.

Ce qui est parfait pour nous, la grand voile et génois sont hissés. Nous pouvons maintenir notre cap sans avoir à faire des bords.

Notre bateau dans ces conditions révèle sa finesse par son comportement . Au près par petit temps, les gros bateaux peuvent venir rivaliser avec Tidoudou !!! Aucun ne peut suivre l’oiseau !

En parlant d’oiseau, l’un d’eux s’est joint à nous. Un bel oiseau des mers s’est posé sur les panneaux solaires. Notre présence ne semble pas l’effrayer, il fait sa toilette.

Cette douce navigation, nous permet de « récupérer » un peu. Les quarts à présent sont moins contraignants, un coup d’œil toutes les vingt minutes suffit.

Dans ma tête une veilleuse s’est allumée et refuse toujours de s’éteindre, ma vigie intérieure me prive de sommeil récupérateur.

La nuit tombe, les grains se succèdent et nous devons manœuvrer sans cesse.

Ma cervelle empâtée a perdu le nord, je fais tout à l’envers, de travers, et ne sais même plus barrer.

« Non mais ! c’est pas vrai t’es pire qu’une débutante !! » s’exclame Marco furax.

Vue les circonstances, nous capitulons et mettons le moteur pour la nuit.

Cette fois ma veilleuse s’éteint enfin mais celle de Marco s’allume !

Je me paye une grasse tranche de 5h au pays des rêves. Marco qui d’habitude arrive à dormir par petites tranches, ne ferme pas l’œil cette nuit !

Nous avons remarqué que le plus difficile au niveau du sommeil sont les trois premiers jours. C’est le fait de perturber notre rythme mais c’est aussi lié au stress inconscient de devoir être dans une veille attentive permanente.

Un cargos entre le moment où il est aperçu au loin et le moment où il peut être sur nous, n’a besoin que de 20 minutes voire moins ! Le vent lui, n’a besoin que de quelques secondes pour se renforcer ou tourner. Quand à nous, nous devons être capable de réagir instantanément.

Il faut donc un certain temps d’adaptation au corps et au cerveau pour gérer tout ça.

Distance parcourue ce 4eme jours : 90 milles

Le 20/01 – 5eme jour

Il semble que nous nous éloignons peu à peu du pot au noir car le vent est un peu plus fort et régulier, le ciel dégagé. Le soleil proche de l’équateur est violent. Nous sommes à moins de 2° Nord. Nous n’avons plus de taux de soleil pour nous abriter dans le cockpit, aussi nous trouvons ombrage à l’intérieur.

Les voiles nous portent à vive allure au près, avec une bonne gîte.

Ce matin de gros ailerons non identifiés passent à côté du bateau.

Notre stock de poissons diminue, il est temps de remettre les lignes. Nous avons vu de belles coryphènes sauter hier. L’une d’elles a dû traîner dans le coin car elle a arraché le leurre, mais nous ne l’aurons pas dans nos assiettes.

Le vent maintient la même direction durant toute la nuit.

Distance parcourue ce 5eme jours : 120 milles

Le 21/01 – 6eme jour

Nous avons vraiment de la chance côté vent car il nous a permis de passer le pot au noir avec seulement 30 heures de moteur.

Aujourd’hui la note est à l’inclinaison. Nous sommes obligés pour maintenir au mieux notre cap de serrer le vent au maximum, c’est à dire à 30° de son lit. Le vent s’étant renforcé, la gîte est très prononcée. Les surfaces planes ont disparue de notre existence. Dans les cabines les lits subissent l’inclinaison, nous ratatinant contre les parois et réduisant nos dos en compote. On ne peut maintenir la station debout, ni trouver un endroit confortable . Assiettes, bols, casseroles sont soumis à l’attraction.

Nous ne nous plaignons cependant pas de ces petits désagréments car ils nous permettent d’avaler de précieux milles.

Il y a du mouvement dans les lignes à l’arrière du bateau. Marco éprouve la taille de la prise en tirant dessus. La force est telle qu’il n’arrive même pas à ramener la ligne. Un saut nous informe de la nature de ce que l’on traîne. Une énorme Coryphène dépassant tout ce que nous avons attrapé jusqu’alors. La bataille commence. La dorade se fait prendre dans un effet de spirale la catapultant dans les airs et finissant ses vrilles dans l’eau car elle s’est prise dans l’autre ligne. Marco peut ainsi à chaque moment aérien ramener son fil un peu plus. Elle est maintenant à côté du bateau, sa taille est prodigieuse plus d’1,50m, c’est un mâle aux couleurs extraordinaires. Nous avons à peine le temps de se demander comment nous allons nous y prendre pour la mettre dans le cockpit, lorsqu’elle se décroche. Le pêcheur est anéanti, moi ravie car elle était vraiment trop grosse.

Le jeux de la pêche et aussi de se réjouir d’un poisson libéré lorsqu’il déploie tant d’effort.

Nous restons calé dans notre gîte toute la journée et la nuit.

J’ai cependant remédié en partie à l’angle d’inclinaison des couchettes en tapissant le dessous des matelas de coussins. Cela fait une différence question confort !

Distance parcourue ce 6eme jours : 120 milles

Le 22/01  – 7eme jours

Les vents Sud -Ouest nous poussent un peu trop à l’Ouest, il va falloir songer à descendre plus au Sud.

Nous ne pouvons nous contraindre à changer d’ amure car l’autre bord nous éloigne trop de notre route. Nous comptons donc sur les prévisions météo pour établir une stratégie. Le vent devrait s’orienter Sud , aussi nous devrions pouvoir corriger notre cap.

Pour l’heure, il a forcit et le gréement souffre. Nous rangeons le génois et mettons la trinquette pour alléger la mâture. Étonnement nous gagnons en vitesse et en confort pour le bateau.

Nous maintenons notre près serré à 30°.

Notre rythme à bord est à présent pris et nous commençons à apprécier pleinement cette navigation.

Dans ces espaces immenses, la moindre vie autour de nous attire notre attention. Un cris d’oiseau et nous sommes dehors pour voir ce qui se passe. De gros oiseaux des mers tentent de se poser en tête de mât là où il y a la girouette, mais lorsqu’ils entendent Marco jurer, ils y renoncent.

En fin d’après midi un signe de vie sur l’eau est aperçu ! Un bateau à voile à quelques milles. Nous pensons à nos Suédois et tentons de les joindre par VHF, mais en vain.

Nous ne sommes donc pas seuls  dans cette immensité? Nous, poussières soumises aux vents et aux grands espaces…

Le dernier coucher de soleil dans l’hémisphère Nord nous fait le plus beau clin d’œil avec l’apparition d’un rayon vert.

La nuit enveloppe le murmure de l’eau qui glisse sur la coque. L’étrave du bateau donne naissance à une voie lactée. Une traînée luminescente avec des millions de petites étoiles planctoniques entourent notre embarcation.

Emprunte éphémère… témoin de notre passage.

Distance parcourue ce 7em jours: 130 milles

Le 23/01 – 8eme jour

03h00 du matin, Marco vient me réveiller afin de passer ensemble l’équateur. L’écran de la VHF commence son décompte et affiche 00°00’00 s. Tout comme le passage d’une nouvelle année, le passage de l’équateur se fête et porte sa tradition. A cette heure ci nous n’avons pas vraiment envie de boire ; mais nous ouvrons quand même une bouteille de bière. Nous l’ offrons à Poséidon, à Éole, à Tidoudou et buvons une gorgée pour trinquer avec tous ces éléments qui nous portent et nous supportent. Nous voilà dans l’hémisphère Sud où la force de Coriolis s’inverse.

Nous sommes dans la partie de l’équateur la moins chaude de la planète. Cela parce que le courant de Humboldt charrie les eaux froides des mers du sud. La température de l’eau est donc fraîche pour ces latitudes 20°c, et le climat plus frais. Cependant le soleil lui reste violent.

Côté navigation, nous n’aurions pu rêver conditions meilleures pour cette traversée ( à part les deux premiers jours). Voilà cinq jours que nous sommes sur un bord de près serré en maintenant notre cap. Le vent est constant avec quelques variations d’ intensité et de direction, mais en notre faveur.

Naviguer ainsi est vraiment plaisant, du bonheur même…

Déjà nous approchons des terres. Le temps comme toujours en mer, échappe à notre horloge mentale…

Ce sont bien nos Suédois derrière nous, nous les voyons sur l’AIS, mais ils sont injoignables à la VHF. Trop fort ! Un 42 pieds comme le leur aurait dû nous passer devant, mais Tidoudou est vraiment un king côté près !!

Fin de journée, chacun vaque à de douces occupations : Marco lit, moi je me détends dans ma cabine. Je lui dis tout d’un coup :

« Dis donc va voir les lignes !! »

Il sort et effectivement ça a mordu.

C’est l’activation à bord comme chaque fois qu’un poisson mord. Je range les coussins du cockpit, ferme les hublot des cabines, prépare les seaux.. Marco s’arme de ses gants et de sa force et remonte la ligne. C’est du lourd !

Un énorme thon jaune ! « délicieux » !!

Mais il est trop gros pour le remonter, je pars chercher le fusil. J’use de toute ma puissance musculaire pour le retenir avec la ligne, pendant que Marco arme son flingue et tire.

Avec deux prises, nous arrivons non sans mal à le mettre dans le cockpit.

La suite est un peu moins drôle car pour le tuer, il faudra du temps. Un couteau ne suffit pas et c’est à la scie à métaux que nous en arrivons au bout. Mon mec est couvert de sang, le cockpit idem.

Il doit faire plus de 15 kilos !! Beau cadeau d’arrivée.

On en fait des tronçons et il vient garnir le frigo. Nous pourrons ainsi le partager avec d’autres !!!

Nous capons entre deux ïles Santa Fé et Santa Cruz, nous passons le canal dans la nuit.

Nous finissons les 30 derniers milles au moteur car le vent est tombé.

Distance parcourue ce 8eme jour : 112 milles

Le 24/01

Au matin juste quand il faut, nous arrivons au mouillage.

La mer n’est que plomb à l’état liquide où les nuages se reflètent.

Des roches noires à fleur d’eau émergent. L’île plate est couverte d’une végétation rase et quelques reliefs volcaniques se dessinent en arrière plan. Quelques lions de mer viennent déjà nous saluer.

A nous la découverte de cette nouvelle terre !

Nous avons donc parcouru : 960 milles en 8 jours et 2h. Une moyenne de 120 milles c’est tout à fait extraordinaire pour une traversée comme celle-ci au près !!

Nous avons fait un quart du tour du monde précisément, et bien on est le loin du tour !!

Nous sommes le premier voilier de l’année à arriver à Isabella. (Aucun depuis Juillet)

Toutes les autorités de l’île avec agent viennent nous rendre visite. Nous n’allons pas avoir d’autres choix que de faire les formalités et payer. Nous sommes obligés d’avoir un agent pour faire les papiers. Le bateau va subir une inspection intérieure, désinfection, contrôle de la coque par des plongeurs, ça ne rigole pas. Mais au final nous pourrons rester ici une quinzaine de jour et découvrir cette île.

A terre on n’en croit pas nos yeux, c’est le royaume des lions de mer, ils sont partout vautrés dans les bateaux, sur les bancs, au milieu du chemin. Il faut enjamber les gros iguanes qui ne bougent même pas, de gros oiseaux noirs au ventre rouge volent. Nos yeux sont remplis d’étonnement et d’émerveillement. C’est le paradis des animaux tant à terre que dans l’eau.

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