Du 7/07 au 20/07/2016 – Makemo-Toau

L’ancre est levée, nous traversons le lagon pour rejoindre la village. En 3h nous y sommes. Les provisions commençaient à arriver en bout de stock et par chance le bateau ravitailleur est à quai !
Nous ne tardons pas à aller dévaliser le magasin, nous tombons sur un trésor : des légumes : carottes, choux et pomme de terre ! Nous nous accordons une nuit au mouillage du village sachant que demain, nous devons impérativement partir car à nouveau un coup de vent est prévu.
La navigation dans le lagon nécessite toujours beaucoup de vigilance et le ciel gris, chargé, ainsi que la pluie, ne nous aide guère à déceler les couleurs nous permettant de voir les patates de corail. Néanmoins, nous arrivons au lieu prévu après 6h de navigation. Une langue de corail devrait nous protéger du vent du Sud Est annoncé. Malgré le ciel s’obscurcissant, nous allons à terre nous dégourdir les jambes et repérer le reef côté océan en vue d’une chasse à la langouste. La forêt est très dense et plus importante que nous le pensions, il nous faut plus de temps que prévu, aussi lorsque nous arrivons face à l’océan, nous constatons que nous sommes cernés de barres noires menaçantes. Le coup de vent accompagné de grains se préparent. Nous devons regagner le bateau au plus vite, nous optons pour le tour de la cocoteraie au pas de course. Les cocotiers s’agitent sérieusement et l’eau frissonne. Nous courrons à présent le long de la plage pour rejoindre l’annexe car le vent est là, mais pas dans le sens que nous l’attendions. Le bateau a tourné, il est cul aux patates et à la plage, sans aucune protection : mauvaise posture si l’ancre dérape… Nous sautons dans l’annexe qui doit affronter les vagues qui se forment et les rafales qui menacent de la retourner. Sitôt arriver à bord, on s’active :

  • remonter au plus vite le moteur de l’annexe au cas ou celle-ci se retourne
  • préparer l’ancre de secours
  • plonger pour démêler la chaine qui s’est enroulée autour des patates
  • sécuriser tout ce que nous pouvons car les vagues passent à présent, par dessus le pont

Nous sommes très inquiets car la barrière de reef ne nous protège en rien et nous ne savons combien de temps la chaîne va pouvoir supporter les violents impacts. La pluie et le vent se déchaînent, tout est noir autour de nous. On est pris au piège sans autre solution que d’attendre et surveiller. Les heures sont longues… On se fait secouer au point d’en avoir l’estomac renversé.
Heureusement dans la nuit peu à peu l’intensité diminue et au matin le calme est revenu comme par enchantement ! OUF !
En regardant le paysage, et le soleil radieux on a du mal à croire que quelques heures avant seulement, on vivait l’enfer…
Deux jours plus tard, un créneau exceptionnel s’offre à nous pour mettre les voiles vers Toau. Dès que le soleil est levé, on rejoint la passe qui se trouve à 20km.
La chance semble nous sourire car nous évitons, à 2 mètres près, une patate de corail qui aurait pu sérieusement endommager le bateau ! Nous franchissons la passe presque sans courant au moment parfait de l’étale. (Pour une fois on sort tout en douceur !). Et les conditions de navigations durant 32h sont de l’ordre du parfait : vent de 15 nœuds bien établit, mer calme… De l’exceptionnel ! Et pour couronner notre arrivée : nous attrapons une coryphène ! Mais là, la chance estime peut être nous avoir suffisamment gratifiée car en tentant de la remonter, elle se décroche sous notre nez ! Voyant au loin une escadrille d’oiseaux, nous allons vérifier si la chance traîne encore un peu, en faisant un petit détour vers eux.
Et Bingo ! ça mord sur les 2 lignes !!! C’est le gros lot ! Tellement gros que nous n’arrivons même pas à les remonter. Nous sommes devant l’enclave où se trouve le mouillage, avec nos deux gros poissons accrochés, plongeant, se débattant, on a l’air malin ! Cette fois, Marco s’arme de gants, les muscles blindés, il arrive peu à peu à tirer sur l’un des fils de nylon. Non sans peine, on bascule l’énorme thon jaune dans le cockpit. On l’assomme rapidement. Nous voyons un gars, un local arriver avec son bateau moteur, on lui fait signe afin qu’il nous aide à remonter le deuxième. Nous sommes contents de pouvoir se débarrasser de ce mastard et Gaston est bien content de le garder…
On arrive à la bouée les pieds baignant dans le sang, avec du pain sur la planche, mais contents !

Cette fausse passe est prisée par les navigateurs car il n’est pas nécessaire de rentrer dans le lagon ( pas de passe à franchir) et de plus elle est bien abritée. Les bateaux y font souvent escale lorsqu’ils font la route Marquises- Tahiti. C’est aussi un lieu de plongée renommée, c’est d’ailleurs ici, que Bourgnon ( navigateur ayant gagné la route du Rhum) a trouvé la mort l’année dernière, disparu en plongeant.
En arrivant, nous sommes surpris de voir autant de bateaux ( 10), nous, qui généralement sommes seuls, on se croirait débarqué en pleine civilisation ! Cependant, c’est de courte durée car le sur-lendemain presque tous les bateaux lèvent l’ancre.
Nous retrouvons avec plaisir barbichette, le papy avec qui nous avions bien sympathisé l’année dernière autour de verres de pastis. C’était la première fois qu’il en buvait et nous avait déclaré qu’il n’avait jamais rien bu d’aussi bon de toute sa vie ! Alors nous avons pensé à lui, même si les Américains nous ont sucré notre bouteille de pastis, nous avons sauvé une petite de Ricard qui lui est destinée.

Après une longue marche de plusieurs heures pour faire le tour du motu, au début sous une couverture nuageuse mais qui très vite est remplacée par un soleil de plomb, nous rentrons avec une bonne insolation ( dont je mettrais 3 jours à me remettre.)
Nous profitons d’un petit créneau entre deux perturbations pour mettre les voiles en direction de Rangiroa. Hélas en chemin, nous nous faisons surprendre par nos amis les grains, venant une fois de plus nous chahuter. Vu l’état de la mer et mon mal de crâne persistant, nous décidons de nous arrêter à l’atoll le plus proche, celui d’Apataki. Nous devons, cependant, conserver une bonne allure si nous voulons rentrer à temps pour l’étale : le vent soutenu nous y aide… La passe est surprenante : quelques cabanes de pêcheurs sur pilotis sur les côtés et le village baignant dans une atmosphère de quiétude donnent une ambiance particulière.

A l’Est, un chantier pour les bateaux a été ouvert il y a quelques années, nous nous dirigeons vers celui-ci.
Un long motu de plusieurs kilomètres s’étire avec une longue plage de corail blanc.
Quelques voiliers sont à l’ancre et des mâts apparaissent derrières les cocotiers. Il faut avoir l’idée de créer un chantier en ces lieux retirés !
Le lendemain, nous nous rendons sur place, où nous sommes chaleureusement accueillis par les propriétaires. Ils nous informent des dernières nouvelles venant de France avec le carnage qui a été commis à Nice ce 14 Juillet ! Encore une horreur témoignant de notre incapacité à vivre en paix !
Nous imaginons tout à fait que ces évènements vont une fois de plus, nourrir les médias et contribuer à distiller un climat de peurs. La vague émotionnelle doit déferler sur chacun. Face à ce flot comment réagissons nous ?
J’avais eu l’occasion de lire un texte de Natalie BUCZET au moment des attentats précédents qui m’avais interpelé et que je voudrais partager avec vous :

« Nous sommes informés de tous les évènements et il n’est peut-être pas nécessaire de passer nos journées devant les écrans à baigner dans la peur, la colère, la haine…. Observons ce que cette immersion créée en nous : est-ce que cela nous rend meilleurs, fait de nous de belles personnes ? Et si nous portions notre attention et donnions notre énergie à du beau, à un sourire, à la vie ? si nous nous relions à un peu plus d’amour, de bienveillance et de joie, nous serions à ce moment là vraiment utiles, une vraie aide pour ceux qui souffrent, et nous ne donnerions pas de l’énergie de colère à ceux qui s’en nourrissent et ont basculés dans la noirceur.

Nous sommes responsables du choix de nos pensées et à qui nous donnons de l’énergie.

Belle journée dans vos cœurs. (espacezenitude.com) »

Le platier côté océan semble parfait pour une chasse à la langouste. Marco est motivé pour tenter à nouveau sa chance. Sachant que nous ne pouvons manger le poisson de ce lagon ( il y a la ciguatera généralisée), peut être nous sera-t-il possible de se délecter de quelques langoustes ?
Lorsqu’il fait nuit, elles remontent sur le platier dans peu d’eau pour chercher de la nourriture, il suffit alors d’arriver à les voir avec la frontale et d’être rapide pour les attraper à la main. Ce soir, Marco est en vaine, il en ramène 2 belles !
Lors de nos longues marches, nous avons trouvé un trou d’eau douce ( eau de pluie), une aubaine pour faire la lessive, même si cette marre un peu croupie sert de nurserie à moustiques. Il est tellement rare de trouver de l’eau, ici ! Celle que nous recueillons dans la bâche nous la gardons précieusement pour la boire.
Les grains se succèdent avec une alternance de rafales, de pluies… Un bateau arrive au moment où l’un d’eux se déchaîne, le rideau de pluie l’empêche de voir une patate de corail, il vient la percuter violemment. Posé sur le récif, incliné, il n’a plus d’autre choix que d’appeler des secours par VHF.  le gars du chantier vient l’aider à se dépêtrer. Une chance que le bateau soit en aluminium…

Marco s’est remis à faire des relevés au sextant, histoire de s’entrainer et de ne pas oublier. Jusqu’à présent, il n’utilisait que des relevés par rapport au soleil, maintenant il veut se servir aussi des étoiles. Il doit donc apprendre à repérer les constellations ( différentes évidemment de celles que nous avons dans l’hémisphère Nord!), à relever différents points liés aux étoiles et faire de savants calculs : très intéressant ! Du coup tous les soirs, il passe des heures le nez dans le ciel, scrutant les étoiles…

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