Du 02/08/2016 au 11/08/2016 – Tikehau

Une trouée de deux jours sans vent se dessine, c’est le moment pour lever l’ancre ! Cette fois nous optons pour l’autre passe afin de sortir du lagon. Un courant rentrant de 3 nœuds nous fait face, en rasant les bords on arrive à gagner du terrain tout doucement et nous voilà sortit. Durant quelques heures, nous arrivons à garder nos voiles à peu près gonflées, mais le vent meurt doucement comme prévu.

Nous mettons rarement le moteur, mais là, cela s’impose. Un coucher de soleil grandiose s’étale sur l’horizon, nous avons même droit à un intense rayon vert lorsqu’il disparaît.

La nuit nous enveloppe d’une couverture étoilée qui inspire soudainement Marco.
Nous n’avons que 38 milles à parcourir pour rejoindre Tikehau ce qui va nous faire arriver en pleine nuit. Pour pénétrer de jour dans le lagon il nous faudra attendre 12h l’étale, cela ne nous emballe guère de se mettre à la cape durant tout ce temps. Mais une idée vient de germer dans le crâne de mon capitaine, il m’en fait part.
–  « On connait la passe, elle est matérialisée avec un alignement lumineux, nous avons google Earth pour nous aider, il y a une étale à 01h30, aussi pourquoi ne tenterions nous pas une entrée de la passe de nuit ? »
«  Vingt dieu ! Merci les étoiles d’une telle inspiration ! » Je commence à réfléchir et je sens mon estomac se contracter à cette idée ! Une passe n’est déjà pas facile de jour avec du visuel à l’appuis, mais en plus c’est la lune noire. Malgré la confiance que j’ai dans les calculs de Marco concernant l’heure de l’étale, on est jamais à l’abri de se planter d’une heure !( cela nous est déjà arrivé)
Toutefois, j’attends d’être rendue sur place pour donner mon verdict.
A 01h00, on est devant la bouche d’entrée, (comme on ne voit rien on suppose l’être d’après notre ordinateur  et les vagues contours d’ombre des motus!) Hélas, les feux d’alignement ne marchent pas comme c’est le cas un peu partout au Tuamotu…
Marco est chaud, moi glacée ! Ma cervelle a eu le temps de ressasser toutes nos différentes expériences dans les passes pour être quelque peu refroidie.
Cependant, emportée par l’élan du capitaine qui ne semble pas vouloir renoncer à ce projet, je ferme ma gueule. ( Quand il a une idée en tête, mieux vaut se lever de bonne heure pour le faire changer d’avis et là on est pas encore couché!)
Je sors donc l’ordinateur dans le cockpit pour une partie de jeux vidéo réel. La passe est photographiée du haut et notre GPS permet d’avoir un petit bateau rouge qui s’affiche.
Le but est de maintenir le point rouge au milieu de la passe en bougeant la barre selon là où il se trouve, c’est facile ! Cependant, on ne sait pas encore quel sera le courant ce qui peut avoir une influence capitale sur la réactivité…
Marco lui, s’est armé de l’arme de guerre : une frontale super puissante qui nous permet d’avoir une visibilité de 3 mètres à l’avant.
C’est partit… le cœur battant, la concentration à son maximum.
Les yeux rivés sur mon écran, la partie de jeux vidéo commence, j’oeuvre à la barre. Marco vient m’encourager, vérifier, regarde de tous les côtés, descend à l’intérieur contrôler notre trace sur l’ordinateur et notre vitesse. Il semble que nous n’ayons qu’un nœud de courant de face ( parfait), il n’y a pas de vent ( re parfait).
–  « Punaise ! je pars un peu trop sur le côté, le bleu turquoise se rapproche », vite , je redresse.
« Là, maintient ce cap, ouai ! Allez on va y arriver ! »
D’après le jeux, on devrait être dans le lagon. Mais la partie est loin d’être gagnée, il nous faut, à présent, aller mouiller pas loin de là, reste à traverser un champ de patates de corail.
Moteur au ralenti, je contourne les tâches noires de l’écran et Marco éclaire devant pour contrôler la manœuvre.
Au bout d’un moment, on estime que là, on va pouvoir jeter l’ancre, c’est ce que nous faisons.
Les jeux vidéo c’est vraiment pas mon truc surtout lorsque la vie de notre bateau en dépend, aussi, je suis soulagée d’avoir terminé la partie sans dommages ! Je ne veux plus jouer ! Lorsque l’on éteint le moteur, une vague de contentement envahit le cockpit.
« On a réussi ! On va se boire une bonne bière pour fêter ça ! »
Il est presque 02h00 du matin, mais notre état d’excitation est à son summum.
Il n’y a pas un souffle d’air, pas une onde, un silence total, une odeur de fleurs flotte dans l’air…
Notre Hinano fraîche bue sous les étoiles dans ce calme, paraît encore meilleure…

Le lendemain, le ciel et la mer se sont unis, fondus l’un dans l’autre ; il n’y a plus d’horizon si ce n’est que quelques motus suspendus dans les airs. Pas une ride sur l’eau, pas le moindre souffle de vent, mais un soleil encore plus vigoureux ! Malgré la chaleur torride, nous apprécions la tranquilité de cette journée sans air et surtout sans aucun mouvement dans le bateau. On est parfaitement à plat, ce qui nous arrive qu’exceptionnellement !

Aujourd’hui pas besoin de masque pour voir les poissons et les requins, eux aussi flottent dans l’espace !

Comme nous ne sommes pas loin de la passe, on en profite pour aller plonger au courant rentrant.

La clarté de l’eau nous permet de voir par plus de 30
mètres de fond. Des bancs de thons, de gros barracudas, de carangues, requins divers….

Notre annexe crevée nous ramène par obligation au bateau. Nous avons beau y mettre des rustines, ça fuit… Une nouvelle opération s’avère nécessaire, mais celle-ci n’arrange toujours pas l’histoire ! ( Faudra tôt ou tard en acheter une neuve ! c’est déjà beau que nous l’ayons encore après toutes ces années !)

Tikehau est certainement l’un des atolls que nous préférons. Pour clore notre périple aux Tuamotu, il s’imposait de repasser ici, généralement nous ne sommes pas adeptes des retours sur les mêmes lieux, mais il se trouve que l’atoll est sur notre chemin. Les îlots de sables roses, la douceur et l’ambiance particulière nous pénètrent à nouveau. Il y a encore des motus à découvrir…

Le vent du Sud Est nous chasse du mouillage de la passe, nous allons mouiller aux motus des sables roses de l’autre côté du lagon. Des bandeaux rosés s’étirent ondulant entre les cocoteraies et le lagon. Un sable où se décline des teintes surprenantes : du saumon, au rose-orangé, rose clair, rehaussé par des strates blanches.

Sur un des motus nous tombons sur un lieu aménagé pour les lunes de miel. Une baraque de bois et de palmes est posée aux milieu des cocotiers.

Il y a une douche en bambou et plus loin au bord du hoa : un coin bar et un grand lit rond en bois à même le sable, une structure au dessus permet d’y mettre une moustiquaire.

L’endroit est charmant pour y fêter ses noces !

Pas très loin de là, sur un motu vit Tuffa et sa femme qui font pousser des pastèques et des melons, (nous les avions rencontrés l’année dernière, Marco avait fait une session chasse mémorable avec lui).

Nous allons leur rendre visite, seul Tuffa est là dans son jardin, il nous fait un accueil chaleureux. Les fruits ne sont pas encore mûrs. Sa précédente récolte lui a permis d’acheter une barque à moteur et de rentrer dans les frais investis, ce titan du travail se voit récompensé par ses efforts. Faire pousser sur ces terres coralliennes relèvent d’un sacré défi !
Dans un mois, Tuffa se marie, pour cet événement plus de 700 personnes sont attendues, certaines viennent de l’île de Pâques, d’autres d’îles voisines, certains convives viendront avec leur bateau moteur. Une fête de 3 jours qui ne va pas manquer de festivités… Les congélateurs de la mairie ont été réquisitionnés et des bœufs, agneaux, porcs, poissons, langoustes et j’en passe, patientent déjà dans la glace. L’abri à cyclone lui aussi va être réquisitionné pour y faire dormir tout ce monde !

Depuis notre visite l’année dernière seul un autre couple de navigateurs Australiens sont passés les voir sur leur motu. Il semble d’ailleurs qu’ il n’y ait pas d’autres voiliers dans l’atoll en ce moment !

Marco se remettant doucement de son otite évite de chasser, d’autant plus qu’une nouvelle à l’autre oreille se déclare ( la totale!). Mais du bateau à la ligne, il nous ramène des becs de canne et autres poissons. Le seul jour calme côté houle et vent, il part à la langouste. L’endroit idéal pour les attraper à la main se situe au bord du reef donnant directement sur l’océan. Ce qui veut dire que si une série de vagues surgit, tu te fait balayer. Ayant vu les marques que ça laisse sur le dos à Marco, je m’abstiens de l’accompagner ! Il revient à peine au bout d’une heure avec 6 grosses langoustes ! C’est maintenant que nous allons quitter les Tuamotu qu’enfin nous savons comment les attraper !

Le vent se déchaîne encore ! Cette année nous sommes servis ! Le Maramou est en grande forme !
Cette nuit : vent constant entre 25 et 30 nœuds, autant dire que depuis quelques jours on ne dort guère ! Même si nous sommes à l’abri de la houle grâce au motu, le vent lui, pousse fortement le bateau, la chaîne se tend avec des à coups, des grains viennent renforcer l’intensité du joyeux tableau.
Quand les conditions sont ainsi, on veille nuit et jour, on doit rester à bord au cas où… Il faut avouer que c’est fatiguant ce bruit, ce stress à chaque grosse rafale, et les journées sont parfois longuettes à patienter dans le bateau, malgré les petites occupations bricolage qui ne manquent jamais !!!
Voilà les revers de ce si joli décors !

Nous sommes au village, pour une fois à quai. Nous tentons une connexion internet, mais cela ne marche pas. Un gars de la mairie nous dit :
–  « L’antenne est flinguée depuis quelques semaines, hier un gars est venu spécialement de Tahiti, il est monté en haut de l’antenne et s’est aperçu qu’il n’avait pas les bons outils, du coup, il est repartit en avion et on attend qu’il revienne, mais on ne sait pas quand ! »
Situations cocasses des îles !!!

Nous attendons à présent qu’Éole se calme, dès que ce sera le cas, on mettra les voiles sur Tahiti. Nous avons à changer des ridoirs au gréement, et faire quelques achats. Il est temps aussi de se rapprocher de notre but : celui d’aller aux Tongas. C’est une grande traversée qui nous attend de Tahiti :1300 milles soit 2500 km ! Plusieurs routes sont possibles, nous en choisirons une en fonction de la météo au moment du départ.

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