Ces îles de beauté des Tonga…

Début Août

Le mot qui ne doit pas être prononcé sur un bateau vient de m’échapper… Je lis dans le regard de Loukia et Willy leur inquiétude. Ils ont encore en mémoire l’expérience douloureuse du poisson lapin !!! Comme si le destin (ou la superstition) en avait choisi un pour ramasser, c’est encore Willy qui va empathir. Plongeant du bateau, il ne tarde pas à remonter à bord en gémissant. Il vient de recevoir le baiser torride d’une méduse sur le sexe!!! Malgré sa douleur nous ne pouvons nous empêcher de pouffer de rire. Lui un peu moins, car toute la journée la morsure du baiser ardent se fait sentir….

 

Loukia devient experte en pêche à la canne, ce matin, après un joli lancé, elle ramène une grosse dorade de 2 kg.

Elle s’est adaptée de façon étonnante à ce monde de la mer.

Elle, qui quelques années auparavant redoutait de nager au milieu des barracudas, n’hésite plus à plonger dans ces lieux ou rôdent quelques requins et gros poissons. L’océan semble l’inspirer même dans ses dessins.

Chaque jour elle apprend de nouvelles phrases en Français à Willy. Des phrases quelques peu essentielles du style : – « Tu veux une bière ?.. T’en reveux une ?.. Je suis un clébard… Le coucher du soleil est magnifique… ». Quand à moi, ma compréhension en Anglais s’améliore, même si côté parlé j’ai encore quelques progrès à faire.

La douceur des Tonga nous enivre. Le climat agréable, parfois même un peu frais, a quelque chose de vivifiant.

Pour ma part je trouve l’eau un peu froide : 24°c ! Il faut dire que je m’étais habituée à de l’eau entre 28° et 32°c. Les gars partent régulièrement chasser sur les reefs, dans les passes ou autour du bateau. A chaque sortie ils reviennent avec de quoi remplir nos assiettes.

Nous changeons régulièrement d’îlots, ce qui donnent l’occasion à nos matelots d’apprendre les rudiments de la navigation. Marco leur confit la tâche de mener seuls le navire. Le captain les a à l’oeil et dispense remarques et commentaires en fin de navigation avec appréciation. C’est donc parfois un peu stressés qu’ils tracent leur route au milieu des reefs, hauts fonds, contournant les îles et parfois les baleines…

 

A force de côtoyer les baleines nous en apprenons davantage sur leur mœurs. Ces mammifères quittent le pôle Sud pour rejoignent les Tonga en Juin afin de mettre bas leur petit. C’est la plus longue migration du règne animal. Ces eaux peu profondes offrent un lieu idéal pour leur progéniture qui peuvent grandir en toute sécurité. Elles restent là durant 6 mois. Maman baleine fait son stock de graisse au pôle Sud en ingurgitant plus de 2 tonnes krills par jour car une fois rendue aux Tonga elle ne se nourrit plus. Un baleineau tête 150 litres de lait par jour et grossit en moyenne de 40 kg/jour !!! De vrais gloutons…

Ces petits sont joueurs, parfois nous pouvons les voir s’ébattre et sauter pendant des heures. Les mères restent toujours autours d’eux, les rappelant à leur côté par des battements de nageoires. Quand le moment de la migration est venu, elles entreprennent avec eux, le long voyage jusqu’au pôle. C’est là que les petits seront livrés à eux même et leur destinée…

En attendant leur départ, nous nous régalons du spectacle qu’elles nous offrent si souvent. L’autre jour en naviguant à quelques mètres des baleines, Willy s’est soudain précipité à l’arrière du bateau, s’est accroché les pieds à l’échelle et a mis la tête renversée sous l’eau. J’ai cru un moment qu’il voulait mettre fin à ses jours, je suis venue à son secours. Avec de grands yeux plein d’étonnement il m’a dit qu’il essayait d’entendre le chant des baleines ! Il est vrai que ces mammifères nous rendent un peu fou… Il faut entendre nos cris lorsque l’une apparaît ou saute ! On est comme des gamins émerveillés. Parfois nous pouvons entente leur chant en plaquant nos oreilles sur la coque du bateau. S’endormir en entendant cette mélodie a quelque chose de sublime. Sons étranges aux résonances différentes passant de plaintes aigües à des basses vibrantes presque caverneuses. Leurs chants fascinant se lient à la mélodie de l’eau. Cet univers sonore emprunt du grand mystère me porte dans des confins lointains… Il m’ouvre la voie des rêves les plus profonds…

Aujourd’hui nous allons nous abriter des vents de Sud Ouest derrière une petite île habitée. Tous les enfants du village se sont regroupés sur la plage et nous crient : – « Come, come here ! » Ils nous attendent en faisant de grands signes.

Le lendemain, nous débarquons et comme une volée de moineaux, les enfants courent de toute part pour venir à notre rencontre. J’ai fait du tri dans mon placard et offre aux filles des robes qui font papillonner leurs yeux. Ces présents et les jeux font vite fondre la barrière de la langue et leur timidité.

Nous faisons un tour d’île accompagnés par notre nouvelle bande de potes. Un des parents de cette marmaille, nous invite à venir partager des gâteaux et thé chez lui.

Ils sont une cinquantaine d’habitants sur cette île, Mormons pour la plupart. Nous rencontrons celui qui prêche la bonne parole. Il tente de nous instruire et nous convertir à sa religion… La générosité et gentillesse de ces gens compensent le niveau de vie particulièrement bas.

 

Ils n’ont pas grand chose, mais partagent volontiers et avec plaisir. Ce soir, nous sommes invités à un baptême sur la plage. Un des enfants vient d’atteindre l’âge des 8 ans, il va être immergé dans les flots de l’océan pour célébrer ce rituel. Willy est moi nous rendons à la cérémonie. J’ai mis une grande robe sachant que la tradition Mormone impose de cacher les jambes, mais mon décolleté et mes bras nus semblent être hors cadre. L’une des femmes m’apporte une chemise pour que je sois dans une tenue réglementaire avant d’aller au temple. Les hommes ont revêtu chemise blanche et cravate, certain portent la ceinture cérémoniale des Tonga, tressée avec des feuilles de pandanus.

Willy a mis sa belle serpillère trouée, un short court, il dénote un peu ! Mais étant un homme cela importe peu. A l’église nous nous joignons aux chants religieux. Les enfants devant nous ne cessent de nous regarder et de sourire, ils sont contents de notre présence. Quelques prières et il est temps de rejoindre la plage. Le maître de cérémonie et l’enfant habillés de blanc pénètrent dans l’eau. Le soleil darde ses derniers rayons lorsque le gamin disparaît quelques instants sous l’eau et reçoit la bénédiction de l’océan. Cette immersion ne semble guère lui avoir plu, il pleure. Mais le voilà baptisé…

Marco et Willy sont conviés à une pêche nocturne avec un gars du village. C’est en fait une leçon que vont recevoir nos mecs. Marco part avec lui, pendant que Willy attend dans l’annexe. Il tente de suivre cet homme qui à la vitesse d’un éclair se faufile dans le noir prenant en chasse les poissons. Il nage aussi vite qu’eux. Munit seulement d’une lance, il harponne ses proies sans que Marco n’est eu le temps de réagir. Plus de 30 poissons s’empilent le long d’un fil lorsqu’ils regagnent l’annexe. Marco n’en aura tirer qu’un ! Mais Marco aura assisté à un moment unique en regardant cet homme poisson évoluant avec fluidité dans son milieu, avec en prime, pour fond sonore le chant des baleines.

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