LA SOLITUDE

De nombreux mouvements philosophiques, spirituels prônent la solitude pour une meilleure connaissance de soi et moyen d’évolution. Dans la tradition bouddhiste, les moines trouvent refuge dans un isolement souvent très strict durant : 3 ans, 3 mois et 3 jours. Cela laisse à supposer qu’un certain temps de solitude s’avère nécessaire pour tirer pleinement profit de celle-ci…

Il y a tant de façons d’appréhender la solitude : subie, imposée par les circonstances de la vie, rejetée ou choisie, consentie, acceptée…

Certains la fuient, la craignent, d’autres y trouvent refuge et réconfort, d’autres encore trouvent en elle, un moyen de se protéger en s’y enfermant à double tour.

Nous sommes tous amenés un jour ou l’autre, à la rencontrer. Que ce soit de façon extérieure (la perte d’un être cher, la séparation…) ou intérieure (se sentir seul au milieu même d’autres personnes…)

Il est fort probable que, tant que nous ne l’avons pas apprivoisée et acceptée, elle soit redoutée ou génératrice de souffrances. Nos mécanismes de protections peuvent tenter de nous maintenir à distance d’elle, si la peur d’abandon, de rejet, et autres traumatismes de l’enfance n’ont pas été reconnus. Ces blessures engendrant une dépendance affective ne permettent pas d’appréhender la solitude sous ses bons aspects. Certains peuvent réagir à l’inverse en s’isolant complètement pour ne pas avoir à revivre d’abandon, de séparation, de rejet…

On peut dire que tant que nous sommes soumis à nos réactions inconscientes et conditionnées par nos souffrances, il ne sera guère possible de trouver un quelconque profit à vivre la solitude.

Cependant, c’est en elle que nous aurons justement, l’opportunité de devenir plus conscient et de trouver les moyens de remédier à nos souffrances.

Seul le courage et la volonté d’y faire face, pourront nous permettre de guérir et de vivre la solitude plus sereinement.

Ainsi, elle sera un moyen de cheminer vers plus de complétude et d’individuation.

En elle, se trouve l’espace permettant de devenir autonome. Comment l’être si nous dépendons toujours de quelqu’un pour exister ? C’est justement dans un certain isolement avec nous-même, qu’il nous sera possible de savoir ce dont nous avons fondamentalement besoin. Nos besoins non assouvis, réclament toujours à l’autre, à l’extérieur, de répondre à nos attentes. Alors que nous sommes seuls à pouvoir le faire.

Il semble difficile de définir quel genre de solitude est à préconiser, sachant que chacun la vivra de façon différente.

L’espace de la solitude, lorsqu’il est vécu volontairement, permet de privilégier du temps pour soi, de se donner la priorité, d’avoir le loisir de vivre selon sa convenance et à son rythme. Dégagé des attentes, ou de la responsabilité des autres, la vie quotidienne se fait plus légère.

Pour certains, ce seul aspect suffira pour trouver un certain confort et une bonne raison de vivre ainsi.

La solitude peut aussi être vécue de façon plus entière, en retrait du monde extérieur et dans un but plus ou moins déterminé. Un ras le bol du fonctionnement sociétal, un besoin de trouver la paix, une aspiration profonde à se découvrir, une grande souffrance, ou simplement une expérience…

Celle de mon frère Olaf, parti plus d’un an, seul, au fin fond du Canada vivre dans sa cabane, peut paraître radicale et un peu extrême. L’expérience qu’il a choisie révèle certainement son caractère et sa façon d’appréhender la solitude… Sa motivation : un rêve d’enfant, une séparation, un besoin d’être seul, de se retrouver, de changer d’air ? Ne le sachant lui-même pas vraiment, on peut penser qu’il a juste suivi une impulsion.

Ayant des prédispositions et tempérament solitaire, je suppose qu’il a eu plus de facilité à prendre une telle décision. J’admire son courage et la ténacité dont il a fait preuve malgré toutes les épreuves rencontrées. Qu’est-ce qui fait que certains ont une telle audace ?

Alors que nous avons vécu la même enfance, jamais je n’aurais eu le cran de faire cela.

Nous avons certainement des motivations et des caractères différents !

Pour moi, longtemps, la solitude fut synonyme de vide, et m’amenait une peur viscérale. Je pouvais accepter de partir au bout du monde sur un bateau mais seule, jamais ! Combien de fois, ai-je imaginé dans les moments tempétueux de la navigation, me retrouver seule ? Cette simple perspective engendrait une terreur… Certainement ne suis-je guère téméraire !

Dans mon parcours de vie, lorsque personne n’était là pour me tenir la main, je comblais ce manque en débordant d’activités, en me mettant dans un mouvement perpétuel, une façon de ne pas ressentir l’état de solitude. Pourtant, je me croyais indépendante !

Vivre seule me paraissait insipide, ennuyeux, triste et sans couleurs. Sans que je ne me l’avoue, c’était tout simplement terrifiant pour moi !

Ayant toujours réussi à la fuir, lorsqu’elle m’a finalement rattrapée, ce fût un véritable bouleversement.

La solitude creusa son premier sillon de façon violente, suite à mon accident. La douleur fut mon lot quotidien durant plus de 2 ans. Cet isolement et immobilité forcés me terrassèrent à bien des niveaux. Quelques temps plus tard une séparation acheva de le parfaire.

Je traversai, alors une nuit noire de l’âme et plongeai dans une profonde solitude. Celle que je redoutait depuis toujours !. Celle où je perdis totalement prise ou j’explorai le vide : entre les répercussions de ce traumatisme lié à mon accident, la fin de ma relation amoureuse, la perte de mon emploi, ne sachant où aller et me poser. (J’habitai alors dans mon camping-car.)

Tout mon petit monde sembla s’écrouler, plus rien à quoi ou à qui me raccrocher. Je passai par une phase de sevrage de ma dépendance affective, de déprogrammations de mes fonctionnements toxiques, tout cela arrosé de quelques litres de larmes et d’un véritable chaos émotionnel. En parallèle, quotidiennement je poursuivais la rééducation de ma jambe, avec le sentiment de ne jamais pouvoir retrouver son plein usage. Le découragement, la tristesse, la colère, s’abattirent. Il me vint à préférer les violentes tempêtes que j’avais affrontées sur l’océan, que celle que je vivais là.

Je pus enfin récupérer mon studio-cabanne dans les Landes. J’avais enfin un toit et 500 euros / mois de revenus, de quoi vivre…

Au bord de l’océan ( berceau de mon cœur), je commençais à remonter la pente, (sans l’aide de remonte-pentes, cette fois!).

Étant toujours dans l’incapacité physique et psychique de reprendre pied et emploi au sein du monde extérieur, je ne voyais d’autres alternatives que de côtoyer la solitude.

Je pris mon parti de l’avoir à mes côtés, de lui faire de la place dans mon lit, à ma table, et de surcroît, de lui offrir tout mon temps.

Je m’accordai donc, une sorte de retraite solitaire ou confinement longue durée, parce que les circonstances et mon être me le demandaient. Je me pliai donc à la volonté du destin.

Les conditions de cette retraite étaient loin d’être celles de mon frère au Canada ou de la pure ascèse de la tradition bouddhiste… de quoi faire rire plus d’un moine !

Je laissai donc, la solitude tisser son cocon loin du tumulte et agitation extérieurs, telle l’ermite des temps moderne !

Ma motivation était alors de m’accorder du temps, afin de me rétablir physiquement et moralement. Mais une autre motivation s’imposa. Celle de suivre l’appel de mon âme. Celle qui n’a jamais cessé tout au long de ma vie, de me rappeler à elle. Ce temps, qui m’était offert, se présentait comme une opportunité de m’adonner davantage à elle. La solitude m’offrant tous les avantages de pouvoir être totalement disponible, libre, j’entrepris de me consacrer à elle.

Une forme de discipline s’installa naturellement dans mon quotidien. La méditation (qui était déjà instaurée depuis plus de 30 ans) devint une pratique assidue de plusieurs heures par jour.

Mes pratiques de yoga, de marche au milieu de la nature redoublèrent. L’écriture, la danse, la lecture et audio inspirants, films, et créations diverses comblèrent mes journées.

Mes contacts et relations avec l’extérieur se minimisèrent, au point de ne plus guère exister. Seule ma fille poussait mon portail pour mon plus grand bonheur !

Je m’ouvrai totalement à cet espace de solitude qui m’était de plus en plus précieuse. Elle œuvrait en moi, je veillai au mieux à la préserver en minimisant les distractions, ou tentations de m’en détourner.

Cette solitude n’eut de cesse d’être présente, afin que je le sois davantage envers moi-même. Elle m’offrit ses bras sans rien attendre de moi, si ce n’est que je l’accueille, que je m’accueille.

Peu à peu, elle m’aida à me mettre à nue, accélérant le processus d’individuation et nettoyage entrepris par le passé. Ne voulant plus fuir ou me cacher, je dus me rencontrer plus en profondeur, en revisitant encore, les aspects souffrants de mon être, sous un nouvel angle. Mais cette fois, en lâchant toutes techniques ou méthodologies apprises, pour les aborder. Je me laissai complètement guider par mes ressentis, ma propre observation, mon intuition et la voix de mon âme.

Elle m’offrit parfois, l’ennui, le vide, pour laisser émerger mes ressentis, mes émotions, mes sensations…

Elle me berça de son silence méditatif pour apaiser mon esprit, afin qu’il explore d’autres dimensions et espaces. Je pus ainsi collaborer et communier avec mon âme.

Je fus inlassablement ramenée au présent. Le passé, comme une fenêtre entrouverte, n’avait pour seul intérêt que de me réconcilier avec lui et d’être clôturé. Je compris que le futur et les projets n’étaient pas au programme. L’attention de chaque instant en conscience, par contre, elle, l’était.

Je vis de plus en plus, l’importance d’établir une présence et conscience constantes. Je remarquai qu’ainsi, tout acte, parole ou mouvement pouvaient trouver leurs impulsions de l’intérieur et être ainsi, plus alignés et justes. La magie des signes et coïncidences affluaient, ainsi qu’une compréhension directe. Dès lors, nulle anticipation n’était nécessaire, seuls le centrage et un état d’ouverture, l’étaient. Dans les premiers temps, cela me demanda une grande discipline et concentration. Avec le temps, il m’arriva de baigner des semaines durant dans cet état sans le moindre effort. Pourtant, il ne s’établit pas de façon permanente, mais je ne désespère pas qu’un jour, il le soit ! Je réalisai combien, tout au long de ma vie mes choix, mes actions avaient souvent été conditionnés par l’extérieur et le mental.

La solitude me donna le loisir de consacrer du temps à mon corps et de lui amener les soins dont il avait besoin. Ma présence bienveillante pour lui put le raviver et lui apporter axe et ancrage plus solides. Mon pied alla de mieux en mieux, malgré quelques séquelles toujours persistantes..

J’explorai davantage, le langage subtil et vibratoire du vivant au travers de mon corps.

De ce fait, ma reliance à la nature dans ses différentes formes s’accrut.

La simple contemplation de celle-ci, me fit le témoin de sa beauté, de son intelligence, de sa perfection. Cette source continuelle d’inspiration, d’enseignements, d’abondance, me remplit d’amour et d’essentiel.

Une plus grande complétude s’installa en moi. Mon état d’esprit, ma vision du monde et de ma réalité trouvèrent une nouvelle assise. Comme si enfin, j’avais accès à ma propre vérité et à une part du grand mystère. Comme si enfin, la solitude n’était plus une terreur, mais un espace pour me rencontrer, me retrouver, pour prendre le temps de vivre…

La solitude semble maintenant intégré en moi. Elle n’est pas une finalité en soi, mais un pont pour me relier à moi-même et aux autres de façon plus saine.

Je sais à présent, que : « Non, je ne suis jamais seule avec ma solitude ! » comme le chantait Moustaki. Toutefois, je ne souhaite pas en faire mon unique amie. L’interdépendance nous relie à tout ce qui vit et le partage demeure capital à mes yeux, pour s’épanouir et continuer d’évoluer.

Je ne cesse d’apprendre, de cheminer, de m’émerveiller, de pester, aussi, contre les injustices flagrantes en ce monde… C’est ce qui m’incite à prendre ma part de responsabilité et à œuvrer pour participer (à ma petite échelle), à un monde meilleur.

Sabrina

Pour explorer une autre façon de vivre la solitude, je vous recommande la lecture du livre de mon frère Olaf.

Résumé :

Sans autre technologie qu’une scie, une hache et un fusil, Olaf Candau s’est enfoncé dans le Yukon, vers le mythe du Grand Nord canadien. Au pays de James Oliver Curwood et jack London, il a construit une cabane. Un an de cabane, un an de silence, de conflits avec les martres et les ours, un an d’échecs avec les poissons, un an à bâtir et à se protéger. Un an de vie, de la vie la plus simple qui soit.

https://www.babelio.com/livres/Candau-Un-an-de-cabane/107645

5 Commentaires

  1. Louloute dit : Répondre

    “L’espace de la solitude, lorsqu’il est vécu volontairement, permet de privilégier du temps pour soi, de se donner la priorité, d’avoir le loisir de vivre selon sa convenance et à son rythme. Dégagé des attentes, ou de la responsabilité des autres, la vie quotidienne se fait plus légère.”
    Merci Louloute pour ce beau voyage en solitaire 🥰.
    Je pense bientôt venir pousser ton petit portail… Je t’embrasse fort fort fort.
    L’autre Louloute 😘

  2. Nicole ( hypnose Evolutive) dit : Répondre

    Magnifique ressenti de la solitude qui peut se vivre isolée ou dans le monde mais toujours près de son âme, chère compagne indéfectible ! Merci pour ce beau partage qui invite à côtoyer la sienne et à rencontrer son Être dans des retrouvailles jubilatoires. Continuons tous à découvrir et semer belle Sabrina . Ey (allias Nicole, amie de Golderak😂)

    1. sabrina01 dit : Répondre

      Merci Nicole! Cette compagne indéfectible est aussi celle qui nous amène à côtoyer l’autre pour l’enrichir… Tout comme ta rencontre avec Golderarak! ( Que j’avais adoré!) Gros bisous… Peut-être à une prochaine rencontre?

  3. Virginie Veilex dit : Répondre

    Bonjour Sabrina
    Quel bonheur de te lire! Tu écris tellement bien ! Mais quelle galère avec ce pied et pourtant tu te relèves avec encore plus de forces
    Tendres pensées

    1. sabrina01 dit : Répondre

      Merci Virginie! Ces épreuves peuvent se révéler des bénédictions, si nous leur permettons de se transmuter… Tendres pensées vers toi sur ton île. Bisous

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