Colombie – du 15 au 25/11

Après une semaine d’attente à Bonaire, les vents se calment enfin et nous pouvons envisager de reprendre notre route.

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Au lever du jour, la pluie nous invite à patienter. Après quelques hésitations en ce vendredi, nous décidons de partir malgré les nuages.
(Il existe de nombreuses superstitions dans le domaine marin et en principe on ne prend pas la mer un vendredi !!!)
Cependant nous voulons nous rapprocher et faire escale à Curaçao, afin de bénéficier de la bonne fenêtre météo pour le passage du cap de la Vela en Colombie.

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Aussitôt les voiles dehors, les grains nous accompagnent mêler d’une mer dégueulasse. Il pleut sans discontinuité jusqu’à Curaçao.
Nous ne pourrons pas rejoindre le mouillage au nord initialement prévu car la nuit risque fort de nous surprendre.
Nous optons donc pour un plus proche. Nous nous enfonçons dans une baie étroite débouchant sur une sorte de lac. Nous comptons sur la lune pour nous éclairer le lendemain pour en ressortir.

Le 16/11

A 4h du matin nous levons l’ancre sous le regard de l’astre lumineux qui nous permet de distinguer les berges.
La mer est clémente aujourd’hui, certaines étoiles se décrochent au dessus de nos têtes.
Les voiles sont établies en ciseaux avec le génois et la trinquette tangonnés et nous filons telle une comète.
Avec 15-20 nœuds seulement de vent aidé d’un bon courant nous établissons des pointes à 8,5 nœuds !
( si certains navigateurs peuvent sourire gentillement, il n’en reste pas moins que pour notre Tidoudou c’est une performance, vaillant Tidoudou !!..)

En fin d’après midi à hauteur d’Aruba une bonite vient ouvrir le bal des pêcheurs, suivie d’une autre.
Quelques instants plus tard, quelle n’est pas notre surprise de sortir une Coryphène de 50 cm.
Nous voilà dans l’ambiance de la transatlantique où l’on s’active à bord.
Nous avons à peine le temps de ranger, nettoyer qu’en voilà une autre…
Celle là semble bien excitée, elle se débat et dans le cockpit c’est la frénésie. Dans ses bonds prodigieux elle se décroche et glisse par le hublot resté ouvert. Elle atterrie dans le lit de Marco.

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Tellement surprise de se retrouver dans un lit douillet qu’elle ne bouge plus et semble attendre langoureusement une main salvatrice. La fin de l’histoire est moins marrante car elle passera à la casserole. Nous avons fait notre stock de poissons et pouvons enlever les lignes.

La lune est de retour bien ronde elle nous accompagne. En début de nuit le vent forcit sans prévenir, nous enlevons la trinquette qui commence à prendre le vent à contre dans les embardées.
Mais le vent forcit encore et la mer très vite devient agitée. Les imprévus météorologiques !!!
Nous apercevons au loin le phare de l’île Monjes dont les seuls occupants sont les gardes côtes. Avec de telles conditions nous ne pouvons envisager de poursuivre car les vents au niveau du cap de la Vela s’intensifient souvent du double !
Nous avons lu sur un guide qu’il est possible de s’amarrer à un câble tendu dans une des baies de Monjes. Aussi, Marco essaye de joindre les gardes côtes pour plus d’informations. Pas de réponses malgré plusieurs appels.
Et soudain le phare de l’île que nous apercevions s’éteint pour ne plus jamais se rallumer.
«  C’est un truc de fou… incroyable !!! » Le phare est-il tombé en panne ou les gardes l’ont-ils éteint ?
Le mystère restera entier…
Sans repère il est dangereux de vouloir s’y arrêter aussi, nous n’avons guère de choix.
On continue, en priant que les vent faiblissent avant que nous n’arrivions à la hauteur des côtes Colombiennes.
Nuit mouvementée sans sommeil ! Je titube de fatigue, mon cerveau fonctionne au ralenti ce qui créer un décalage avec les manœuvres à répétition à effectuer.
« T’as la cervelle qui voyage dans le brin !! » me dit Marco en reprenant une expression de son grand père.
La mer et le temps peuvent changer tellement vite ! On passe d’une navigation tranquille à une qui l’est beaucoup moins en très peu de temps !! Vin dieu, des fois c’est pas facile, voire même violent !!!

Le 17/11

Mais heureusement le vent se calme un peu au lever du jour et les côtes sont à vues. Changement de décors et de couleur d’eau : du bleu au vert intense.

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Nous sommes au petit Cap Horn , (comme on l’appelle). La pointe extreme Nord de l’Amérique du Sud.
Comme tout cap, le vent s’intensifie surtout si le relief est haut. Autres effets à rajouter celui des profondeurs de l’eau. Ici on passe de la hauteur Abyssale à quelques dizaines de mètres. Ce qui crée très vite une mer démontée. Mieux vaut naviguer proche de la terre.
La période préconisée pour passer cet endroit est : Novembre ou Mai lorsque les alizés faiblissent. Ce n’est donc pas un hasard si nous sommes là en cette période ! Le capitaine a bien étudié sa route et la météo du départ.
Nous avons donc des conditions exceptionnelles. La météo annonçait 5 à 10 nd de vent aujourd’hui et plus rien demain, nous en avons 20- 25, normal !
En guise d’accueil une centaine de dauphins nous escortent tout autour du bateau ! Quelle fête !
Nous mouillons juste derrière le cap dans une grande baie protégée de la houle mais pas du vent. Pas d’autre bateau.

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Éole règne en maitre sur ces lieux. Les roches et la terre ont subit son souffle ravageur, aucune végétation ; la vie doit s’agripper pour subsister. Les traces de sa puissance sont partout présentes dévoilant une étrange beauté. La mer ressemble à une marmite prête à bouillonner, ce qui est le cas plus de 11 mois par an. Certains bateaux l’ont expérimenté en passant cul par dessus tête ( sensis).

Un village semble pourtant défier ce dieu au souffle féroce par de simples cabanes.
Nous irons rencontrer ces âmes téméraires demain, lorsque nous aurons récupérer notre sommeil.

18-19/11

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Au lever du jour pas une ride ne vient troubler l’eau, un calme s’étend sur ce décor matinal. Le thermique sommeille encore.
Des pêcheurs viennent nous voir timidement.

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Nous regagnons les rives en annexe pour aller à la rencontre de ce nouvel univers.
Ces espaces désertiques appartiennent à des indiens les Wayuu ; des cahutes sont réparties le long de la baie.
Nous empruntons un chemin en terre pour regagner une crique au nord. C’est le far west : buissons épineux, cactus , terre desséchée, soleil piquant… Le tout reste cependant harmonieux et surprenant.

Le niveau de vie est très bas ici, aussi jouer au père noël est un véritable plaisir ( à bon escient) : leurres ; cordes, teeshirts, bijoux nous gratifient de sourires émerveillés. De petites choses qui pour eux ont une valeur inestimable. (Alors merci à Rodolphe, Ivanne et Danielle pour vos petits trésors.)

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Une barque de pêche traditionnelle taillée dans un tronc d’arbre! Une oeuvre d’art!!!

Certains tentent de développer un éco tourisme, mais les structures de bois rudimentaires prévues à cet effet semblent aussi désertes que cette terre. Les gens sont curieux mais discrets, leur gentillesse se lit sur leur visage buriné. Ils ne sont pas encore gangrénés par le tourisme.

Une barque de pêche traditionnelle taillée dans un tronc d’arbre! Une oeuvre d’art!!!

Le 20/11

Nous levons l’ancre pour rejoindre les 5 baies un peu plus à l’Ouest, une navigation de 120 milles soit 24h.
Un vent doux nous accompagne, grand voile et génois ne sont pas sitôt hissées que ça mord à la traine.
Nous la relevons et là… Exclamations, interrogations ???? Nous découvrons une moitié de grosse bonite le corps sectionné en deux.
P1130819.JPGLa pauvre elle s’est prise dans la ligne à côté et le câble l’a tranché net. Ca fait peine à voir car elle encore vivante !!! Un peu plus tard, nous sortons un petit thon, entier celui là! La mer des Caraïbes dans ces parages est bien vivante, nous voyons des poissons volants, des sauts d’espadons tout proche et les dauphins sont là. Certains dauphins Colombiens ont une taille énorme de 2,5 m !!!

La navigation est agréable pas de houle c’est tellement rare ! La sensation de glisse est grisante.

La lune paresse et retarde sa levée aussi c’est le noir complet.
Les joies de la nuit reprennent : vent tournant, forcissant, faiblissant, nous obligeant à des manœuvres de voiles et de tangon. Autant dire que malgré les quarts nous ne dormirons encore pas cette nuit !

LE TANGON : c’est la chose que je déteste le plus sur le bateau même si cela a sa nécessite. (D’ailleurs, je me rappelle que la première chose que j’ai faite lorsque nous avons acheté le bateau c’est de nous débarrasser de cet engin en le donnant à notre voisin.)

Son utilité nous a contraint à en racheter un aux Canaries. Effectivement par vent arrière celui-ci nous aide bien à maintenir le génois gonflé et évite le claquement lorsqu’il y a de la houle.

Cependant sa manipulation est délicate, il pèse lourd, il faut le porter sans avoir d’appui et souvent avec une bonne houle qui engendre des déséquilibres. Pour ma part je reste à la barre et gère à distance balancine et hale bas en essayant de me synchroniser sur les manœuvres du capitaine.

Ce soir j’assiste à plusieurs reprises à la danse endiablé de Marco et Tangon. Le vent tournant il nous faut le changer d’amure plus souvent que nous le souhaiterions, la houle s’est levée.
Le pont est encombré par l’annexe et glissant à cause de l’humidité nocturne. La danse se transforme en combat et mon pauvre Marco en voit de toutes les couleurs (malgré la nuit épaisse). Il valdingue, glisse, se cogne , tombe, gueule et gueule encore….

Une des particularité du tangon c’est de nous mettre dans tout nos états, j’aime pas le tangon!!!

le 21/11

Le lever du jour vient nous consoler de cette mauvaise nuit. Le vent semble s’établir à nouveau et une vision surréaliste nous est offerte.
Dans les limbes matinales apparaît une haute chaîne de montagnes de près de 6000 mètres altitude. Les premiers rayons de soleil laissent apparaître les neiges éternelles rosées sur les sommets. Très vite, hélas, cette apparition s’estompe dans la brume. C’est plutôt étonnant d’être à poil et de voir la neige ; tout comme ça l’est, d’être sur l’eau et de voir de si hauts reliefs juste à côtés…
Deux coryphènes viennent à nouveau mordre, l’une d’elle regagnera son milieu in extrémis !!

Nos repas pour les prochains jours sont assurés. Heureusement que nous avons la pêche pour nous approvisionner !!

Nous décidons d’aller mouiller dans la première baie ( la plus belle) mais qui est privée.

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On verra bien si on se fait dégager !

Quel contraste avec le cap de la Vela ! Ici c’est la luxuriance, les hautes montagnes encerclent ce petit écrin. Nous sommes dans un parc national. De petits bandeaux de sable bordent les rivages et derrière cocotiers et arbres à profusion. Quel décors extraordinaire !
Nos yeux trop fatigués pour le contempler pleinement vont se fermer.

Le 22-23/11

Nous regagnons à la nage le bord et allons vadrouiller dans ce lieu exquis où il n’y a personne malgré l’ habitation du richouille qui a acheté ce lieu de tranquillité. (Cela ressemble à l’idée que je me fait des Marquises.)
Nous levons l’ancre pour aller à celle plus loin. Ici quelques pêcheurs habitent. Nous sommes encore le seul bateau comme à l’accoutumée.

Les nuits sont loin d’être paisibles même au mouillage. Les vents catabatiques descendent des montagnes avec violence. Des rafales à 40 nœuds viennent ébranler notre sommeil. L’annexe s’est retournée avec l’asseau de l’une d’elles, heureusement sans le moteur. Nous avons juste perdu nos rames.
A terre c’est la jungle impénétrable, cependant un chemin nous permet d’aller marcher jusqu’à la baie voisine. Nous nous armons de chaussures fermées et de bâtons afin de nous prémunir contre d’éventuels scorpions ou serpents. Il fait très chaud mais l’effort en vaut la peine car la vue de la baie est vraiment chouette.

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A voir autant de paysages et d’endroits différents, on pourrait supposer que notre curiosité et enthousiasme s’émoussent. Ce n’est pas le cas au contraire, j’ai l’impression que notre perception et sens de l’observation s’affinent. Toutes ces différences mettent en lumière les richesses de chaque lieu. Le fait de ne pas savoir ce qui nous attend nous amène un regard sans à priori.
Plus que le paysage c’est une atmosphère, un ressenti qui colorent nos perceptions. Si certaines terres peuvent sembler austères, ou désertiques, il n’y a point de laideur. Celle-ci apparaît seulement dans les lieux où l’homme l’a soumise à son pouvoir.

Le 24 /11

Au cœur de la nuit et des rafales, nous levons l’ancre. Il nous faut passer la rivière de Baranquilla à 45 milles de là, de jour. Celle-ci transporte une eau boueuse, troncs d’arbres et autres objets flottants pouvant s’avérer dangereux. Aussi mieux vaut que la visibilité soit bonne et que le vent ne soit pas trop fort. C’est pourquoi nous partons à 04h du mat. Un quart de lune nous aide à distinguer les berges rocheuses, cependant sa lumière n’est pas assez intense pour voir le filet de pêche sur lequel nous allons !
Au dernier moment aidé de sa frontale, Marco crie. J’ai juste le temps de mettre le moteur au point mort et de dévier ma route.
« Ouf ! On a eu chaud ! »
C’est pas finit !!!
le vent à la sortie de la baie et de 30-35 noeuds ! Le petit bout de génois nous propulse à une allure…. La nuit, avec du sommeil dans les yeux on a l’impression d’avancer encore plus vite .
Nous longeons un cap aussi le vent reste soutenu un moment.

P1130920.JPGPuis il s’essouffle peu à peu, nous avons beau sortir nos plus jolies voilures : Grand voile, génois, puis spi ; le vent boude. Nous mettons donc le moteur et une vigie à l’avant pour veiller à ce qui flotte. A 10 milles de la rivière déjà des bouts de plastiques, polystyrènes traînent ça et là et de petites mouches qui piquent se radinent. La civilisation n’est pas loin !!!

Une bande marron apparaît avec une séparation radicale des eaux. Le passage en est presque effrayant. Nous approchons du cap et de la rivière qui fait 10 km de large. Le vent reprend de la vigueur, nous ressortons le génois. Une forte houle se forme.

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Nous voilà avec 25 nœuds de vent et des creux raides et serrés de 3 à 4 mètres qui nous arrivent par l’arrière. Il nous faut gérer les trucs flottants, les vagues qui parfois nous font partir au surf et au lof et les cargos qui sortent de l’embouchure.

Durant plusieurs heures pas de relâche!!!

Nous arrivons enfin après 13 heures de navigation intense dans une nouvelle petite marina.
Contents d’être arrivés à bon port et soulagés. Nous passons la soirée avec un couple de Franco-Allemand et un espagnol. Ils nous donnent des tuyaux pour la paperasse et autres…

Le 25/11

Les réjouissances des formalités d’entrée nous attendent et pleins de trucs à faire….
L’armée vient faire une inspection du bateau avec photo, nous attendons la visite de l’immigration a qui l’on doit payer le taxi pour qu’ils viennent!! et ce n’est pas finit!! Très compliqué les papiers!!!

1 Commentaire

  1. Anonyme dit : Répondre

    Quelle magnifique aventure, ça fait rêver … Une grosse bise de Killian, Mathis et Lorraine.

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