Galapagos – Île de Pâques

Quel plaisir de découvrir cette île surprenante. Nous avons la chance à cette époque de voir ce petit joyaux tout vert, du fait qu’il a beaucoup plu ces derniers temps.

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Le décors n’est que grands champs vallonnés accueillant des chevaux en liberté (qui sont presque aussi nombreux que la population de l’île). Quelques petites forêts d’Eucalyptus, quelques falaises, de jolies plages, des volcans et des sites hors du temps constituent cette île.

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Evidemment les Moaï résonnent dans tous les esprits et les mémoires, c’est ça l’île de Pâques. Ces statues mystérieuses qui nous interrogent sur le pourquoi, le comment de tels monuments…

Les explications à leur sujet diffèrent cependant, ; le rationnel fait des suppositions, le spirituel d’autres. Toujours est-il qu’il est fascinant de pouvoir contempler aujourd’hui ces œuvres énigmatiques qui ont traversé les âges. De plus ces sites semblent chargés d’une énergie incroyable comme si les Moaï portaient en eux des vibrations.

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Là pas d’explication juste un ressenti.

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La carrière d’où ont été extrait tous les Moaï est complètement incroyable. On a du mal à concevoir que l’homme ait pu entreprendre un tel travail et le réaliser avec les moyens de l’époque.

Rapa Nui c’est le nom de l’île, c’est une culture, une langue, des traditions… Rapa Nui est un musée à ciel ouvert qui ne se limite pas à quelques sites. Partout on peut trouver des Moaï abandonnés, couchés, cassés, des pétroglyphes sur les roches, des plateformes de cérémonie, des vestiges du passé….
Cette richesse rayonne encore aujourd’hui dans les meurs et les pensées de la population locale.
En tout cas c’est un régal pour nous de marcher ici et là sur les traces de cette civilisation disparue.
Le volcan Ranokau à 500 Mètres d’altitude nous offre un décors éblouissant. Dans le fond du cratère un lac aux milles couleurs, avec des contrastes saisissants. C’est à couper le souffle…
Que c’est beau…..

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Le mouillage bien que rouleur car en pleine mer et par 20 mètres de fond a quand même l’avantage d’être juste à côté des spots de surf. J’emmène donc Marco régulièrement surfer je le dépose au pic et reviens le chercher plus tard. Par contre les entrées au port avec l’annexe sont parfois assez chaudes. On passe entre les séries…

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Traversée Galapagos – Île de Pâques PÂQUES

Du 03/02 au 20/02/ 2014 – Distance à parcourir 2000 milles

Le 03/02/2014

1er Jour

Ce matin le temps a les mêmes teintes que mon visage depuis trois jours : gris

P1150198Une bonne intoxication alimentaire avec un empenada à la viande daubée m’a littéralement chaviré et à quelque peu retardé notre départ. A peu près remise, nous levons l’ancre sous des rideaux de pluie et quittons ce lieu enchanteur des Galapagos. Une belle traversée nous attend (2000 milles soit un peu moins de 4000 km) et la perspective de nouvelles terres nous motive. En s’éloignant des grains, nous pouvons hisser nos voiles. Elles vont flotter quelques semaines au vent… Départ en douceur, cap vers l’Ouest durant deux jours afin d’éviter une zone orageuse prévue sur notre route de l’île de Pâques. Un fort courant de deux nœuds nous éloigne d’Isabela.

Fin de journée un thon bleu de 6kg vient garnir notre frigo. C’est la première fois que nous pêchons cette sorte de thon. Des zébrures d’un bleu outre-mer intense parcourent sa dorsale et des reflets au dégradé de turquoise sillonnent son corps, il est splendide. Celui là nous le gardons car à part un bon avitaillement de légumes avant départ nous n’avons pas d’aliments protéinés ( nous avons fait l’impasse sur la viande après mon expérience!!!). De plus nous venons de subir une attaque de charançons qui ont dévastés toutes nos provisions de pâtes, riz, farine alors que les paquets étaient bien fermés. Nous gardons ceux qui sont le moins dévastés, nous aurons ainsi quelques protéines complémentaires avec ces steacks de charançons.

Ce thon bleu se révéle délicieux ; proche de la chair du thon jaune et pas fort du tout.

Dans la nuit de drôles de lumières flash nous intriguent car parfois elles surgissent à tribord, parfois bâbord, puis disparaissent. Nos yeux se ferment quelques heures, malgré tout sur ce mystère.

Distance parcouru ce 1er jour : 120 milles

Le 04/02 – 2ème jour

Nous n’avons pas d’autre choix que de suivre vent et courant qui nous poussent plein Ouest. Nous tentons un contre bord afin de descendre plus au sud, mais le courant est trop fort, nous faisons du sur-place. Nous espérons que le vent tournera plus Sud bientôt car pour l’instant il est Sud Ouest, et que le courant faiblira…

Nous maintenons notre près serré à 30°et une bonne allure de 6 nœuds.

La ligne de traîne vient de trembler, pour la ramener c’est toute une histoire. Nous découvrons l’engin lorsqu’il se trouve à portée de main. Quand je vois sa gueule et sa taille je prends peur.

C’est un thon jaune monstrueux entre 20 et 30 kg. Marco tente de le soulever mais il se décroche.

« Tant mieux ! Trop gros ! » ce n’est pas tout à fait l’avis de Marco mais bon… c’est ainsi !

02H00 du mat :

« Viens vite, un bateau nous arrive dessus, va falloir mettre le moteur »

Le sommeil tout juste entamé me colle aux yeux et au corps, mais comme un automate je regagne le cockpit.

« Ho punaise ! Mais c’est pas possible ! Qu’est ce qu’il fou là si proche ? »

Un cargos est à bâbord, au ralenti mais sa route laisse présager une collision.

Ce qui est inquiétant c’est qu’il n’apparaît pas sur notre écran ordinateur pas à l’AIS.

Ils ne nous appellent pas non plus à la VHF.

Vue la proximité de l’engin de 200 mètres de long, nous n’avons pas d’autre choix que d’affaler les voiles, ranger le régulateur et de mettre le moteur. Nous allons le contourner par l’arrière.

Étrangement il ne reprend pas sa route et semble même revenir vers nous.

Sans se parler, nous pensons à la même chose et une sourde angoisse commence à se faufiler dans nos tripes. Nous éteignons toutes nos lumières, Marco surveille aux jumelles si une chaloupe remplie de pirates sanguinaires n’a pas été mise à l’eau. On s’écarte le plus possible.

Au bout d’un certain temps, le cargos semble reprendre enfin sa route et de la vitesse… Il s’éloigne de nous.

Cette situation très étrange ne facilite pas le retour au sommeil.

Nous n’avons croisé aucun bateau depuis notre départ et là au milieu de cette immensité on se retrouve pile poil sur la route de l’un d’eux ! (cela nous rappelle une situation identique lors de la transatlantique)

Le plus fort c’est que Marco soit sortit juste au bon moment, car nos quarts ont pris un peu de laxité, et élasticité…

Au lever du jour, rebelote, un gros bateau au loin change de cap pour venir vers nous !

« Non ce n’est quand même pas celui de cette nuit qui nous a retrouvé ? »

Il fait route effectivement dans notre direction, passe devant le bateau vraiment très proche, ralentit comme pour nous barrer la route, fait demi tour et repart.

«  Pas croyable !!! »

Lui non plus n’apparaît pas sur notre AIS.

Si c’est une simple visite, ils auraient pu avoir la courtoisie de nous appeler par radio car là il y a de quoi flipper !!!

Distance parcourue ce 2eme jour : 120 milles

Le 05/02 – 3ème jour

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Le vent est trop léger pour porter nos voiles, nous devons faire du moteur quelques heures. Cela nous permet néanmoins de faire cap plus au sud et revenir sur notre route. Nous étions un peu trop à l’Ouest !

Peu à peu le vent s’oriente Sud Est, les voiles sont à nouveau gonflées.

Nous reprenons notre rythme de croisière.

La mer est lisse, elle ondule en douceur et scintille sous le soleil croquant. La vie semble en suspension, une sorte d’immobilité s’étale sur l’eau ; pas d’oiseaux, pas de sauts de poissons, cela doit être l’heure de la sieste…

Avant le coucher de soleil deux petits thons jaune fort mignons et appétissants ont atterri dans le frigo.

La nuit nous enveloppe de son lot de mystère et de surprise.

IMAGINE…

Tu as enfin réussi à glisser dans les profondeurs du sommeil, totalement immergé dans le monde des rêves quand sans crier gare une rafale te ramène violemment dans cette réalité.

Pas le temps de t’étirer ou de penser, en dix seconde tu es sur le pont. Seulement ton esprit n’a pas eu le temps de réintégrer ton corps et ton corps dort encore. L’automate se met en action se cognant, titubant. L’équilibre est resté dans les limbes du sommeil et doit faire face à la dangereuse inclinaison latérale et aux violentes secousses. Il faut faire vite le bateau gîte, le bateau tape.

Tu es à poil évidemment , une bonne pluie vient te cingler. Tu grelottes mais cela te rafraîchit quelque peu les idées.

Action :

Tes gestes désordonnés tentent de se remémorer de l’action à accomplir.

Tu dois te mettre debout et ne pas te casser la gueule, prendre la barre entre les jambes, l’écoute dans les mains, le regard sur l’anémomètre. Tu dois synchroniser ta manœuvre : tu pousses la barre avec les jambes, tu relâches de l’écoute en même temps et tu regardes l’aiguille qui doit se stabiliser à 120°. Tu dois également tenir compte de ton pote (qui lui use de toute sa force pour rouler le génois) et relâcher l’écoute à son rythme. Ne pas perdre des yeux l’aiguille si non c’est l’empannage et avec ce vent…

Première action accomplie le génois est roulé, cela stabilise un peu le bateau et te permet de souffler avant que l’action numéro 2 se mette en place.

La pluie mêlée au vent furieux s’abat davantage sur ton corps frissonnant.

Il faut que tu ailles chercher la trinquette que tu sortes de nouvelles écoutes tout au fond des coffres et que tu ailles à l’avant du bateau ( ou ton pote de préférence). Évidemment la pluie rend le pont glissant et la houle semble s’amuser à te bousculer.

Il faut retendre l’étai avec une clef, revenir chercher la voile, l’endrailler .

Enlever les autres écoutes du chariot , placer les nouvelles, refaire les réglages. Tu es content d’avoir une frontale pour t’aider à y voir car le noir est d’encre autour de toi.

Tu veilles en continu à avoir une main te servant de point d’appui car tu sais que ta vie en dépend.

Si tu passes à l’eau… bon n’imagine pas la suite car il faut être concentré la manœuvre n’est pas finit.

Tu es au pied de mât, tu prends la drisse va la fixer à la têtière de ta voile afin de pouvoir la hisser. Tu reviens derrière, tu la hisses, pendant que l’autre ajuste l’écoute et barre. Tu règles, tu te mets à l’allure correcte en allant bidouiller le régulateur. Tu vérifies, tu attends un moment encore sous la pluie. Et là tu peux retourner dans tes rêves.
Seulement… ce genre d’action à de quoi te remettre le cerveau en route et ta veilleuse se rallume. Tu peux t’asseoir sur ta nuit.

Vu que les grains se succèdent, tu dois veiller. Tu es tellement secoué, le bruit tellement assourdissant que de toute façon tu ne pourrais pas dormir…

Voilà une des surprises de la nuit, mais entre nous je préfère celle- là à celle de la nuit dernière avec les visites des bateaux et encore plus celle-ci à une vie remplie d’ennui.

Distance parcourue  ce 3eme jours : 120 milles

Le 06/02 – 4ème jour

Nous avons contourné la zone orageuse, mais nous prenons malgré tout grains et vent plus soutenu.

La navigation se fait inconfortable malgré les voiles réduites.

Toutefois,ment les tournures singulières pas toujours agréables.

Seulement quatre jours se sont écoulés depuis notre départ et nous avons l’impression que cela fait plus de dix. Pourtant ce n’est pas l’ennui qui teinte nos journées, c’est le temps qui s’étire. Il prend ses aises, se distant, de dilate.

Étant conscient de lui jour et nuit, il semble se rallonger.

Distance parcourue ce 4eme jours : 120 milles encore !

Le 07/02  – 5ème jour

Apparemment nous risquons d’avoir encore trois jours difficiles vue les prévisions météo.

Ce n’est pas que le vent soit très fort, il est de 20 nœuds, mais au près serré et avec de la houle ça fait beaucoup.

La voilure est pourtant réduite à son minimum trinquette à l’avant et grand voile avec deux ris.

Nous ne pouvons plus tenir la position debout, ça gîte grave. Vaillant Tidoudou part à l’asseau de la houle se prenant pour un kangourou. Il bondit d’une vague à l’autre enfournant de temps en temps.

Les hublots sont fermés, l’eau ruisselle sur le pont, malgré le beau soleil.

Dans les cabines allongés nous explorons l’apesanteur, la lévitation en décollant des matelas puis la compression, le tout sur fond d’inclinaison.

Sur les wc à l’avant, il y a de quoi rire et bien s’accrocher c’est mieux que les montagnes russes. Faire la cuisine devient une entreprise digne d’un acrobate.

Si tout bouge le moral lui reste droit, alors tout va… s’en est même drôle.

Les poissons volants ont réapparu, il nous faut à présent gérer les sauvetages nocturnes de ceux qui viennent s’échouer sur le pont et cockpit. Ils battent leurs ailes et agitent leur corps frénétiquement jusqu’à ce que l’on viennent les secourir. Qu’est ce qu’ils puent !

Cette nuit est encore plus agitée, le vent et la houle ont encore forcit, Là c’est beaucoup moins drôle !

Le bateau décolle et tape tellement que les vibrations se font ressentir jusque dans nos mâchoires.

Marco est inquiet pour le gréement, nous n’avons pas un mât qui permet d’encaisser des traumatismes à répétition de la sorte. Il suggère que nous nous déroutions vers les Gambiers afin d’avoir un angle moins près du vent. En quelques secondes je vois l’île de pâques disparaître comme un mirage.

Je lui propose de patienter encore un peu avant de prendre cette décision. Nous abattons légèrement pour être moins face à la houle et supportons les fracas de l’eau sur la coque toute la nuit.

Distance parcourue ce 5eme jour : 120 milles

Le 08/02 – 6ème jour

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Hommage à Matteo

Seul le silence peut accueillir la mémoire d’un enfant

Les grands espaces, l’océan, les poissons volants, les grands oiseaux des mers, et nos cœurs reçoivent la présence de ce petit ange.

Cela fait un an aujourd’hui que Mattéo vogue sur les rives d’un autre monde.

Que ce jour soit un hymne à l’amour…

Nous nous joignons à sa famille, à tous ceux qui le chérissent.

Le bleu outre mer de l’eau paraît encore plus intense avec son mouvement désordonné souligné de vaguelettes blanches.

Le soleil radieux dans un ciel parfaitement azur rehausse sa couleur profonde, ce contraste éclate dans nos mirettes.

Nous avons confié un ballon rouge aux flots en la mémoire de Mattéo,longtemps nous le regardons s’éloigner sur cet infini…

L’île de Pâques semble encore se deviner au bout de notre route, mais chaque rafales restent une menace de la voir disparaître. Nous tenons bon…

Le vent lui aussi tient bon 20 à 25 nd, la houle s’acharne.

Le bateau souffre, aussi nous remplaçons la trinquette par le Solent auquel il est possible de mettre des ris. On ne peut réduire davantage. Nous sommes à présent à 60° du vent ce qui est un peu mieux. Cela n’empêche pas de recevoir de violents chocs des vagues qui recouvrent régulièrement le pont. Pour tout dire ce n’est pas vraiment agréable. On comprend mieux pourquoi tant de gens renoncent à aller à l’île de Pâques. Faut être accroché pour faire tant de distance au près !!

C’est encore dans la nuit que nous sommes tiré de notre somnolence. La pompe d’eau de cale vient de se mettre en route. Le bruit nous alerte et comme à l’accoutumée nous goûtons l’eau pour s’assurer qu’il s’agit bien d’eau douce. Hélas ce n’est pas le cas et en principe qui dit eau de mer dans le bateau dit gros soucis.

Une grande agitation s’empare de nous, nous enlevons tous les planchers, vérifions chaque vanne.. Vue notre état de gîte, il faut que l’on s’assure de la quantité d’eau sous le contre moule du côté penché. Nous devons pour cela changer d’allure pour remettre le bateau à plat. Bref on brasse, on s’active, on s’inquiète…

Après enquête, nous estimons au final qu’il n’y a pas encore lieu de paniquer. Nous épongeons.

Certainement s’agit-il d’infiltrations par le toit et hublots vu la quantité d’eau que nous prenons avec élan !!! On surveille l’histoire et encore une fois on tente d’aller dormir…

Distance parcourue ce 6eme jours : 120 milles

Le 09/02 – 7ème jour

Ce matin le vent a légèrement faiblit. Nous avons toujours un œil sur les cales et une éponge à porté de main. Les vagues cessant de recouvrir le pont, les infiltrations disparaissent. Dans l’après midi c’est du bonheur, vent à 16 nd et houle apaisée.
Nous avons le même plaisir que lors qu’après une pluie de coup sur la tête, cela s’arrête.

Nous pouvons penser à nous laver avec des seaux d’eau de mer dans le cockpit et faire enfin un shampoing sans risque de valser par dessus bord !

Nous profitons de ce répit. Nous remettons un peu de toile.

Nous n’avons plus de poisson dans le frigo la ligne traîne. Nous avons bien remonté deux thons , mais avons estimé qu’ils étaient trop gros, alors on leur à rendu leur liberté. Inutile de gaspiller !

Le petit thon bleu de 6kg, lui n’aura pas la chance de ses prédécesseurs.

C’est toujours la nuit que le vent forcit, nous devons donc nous lever réduire, surveiller..

Distance parcourue ce 7eme jours : 130 milles

Le 10/02 – 8ème jour

Navigation plus agréable, nous profitons de cette accalmie pour recoudre le solent déchiré.

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Tout le monde a souffert ces derniers jours…

La météo annonce le retour d’alizés musclés dans trois jours, aussi vaut-il mieux être prêt, avec une voile en état pour les recevoir.

Cette journée de répit nous permet un temps de station debout plus long, c’est appréciable.

Et même une nuit de plusieurs heures consécutives presque 4h, un régal !

Distance parcourue ce 8eme jours : 120 milles

Le 11/02 – 9ème jour

Nous voilà à la moitié de notre route, il ne nous reste plus que 1000 milles soit un peu moins de 2000km. Nous maintenons un bon rythme sans être trop secoué durant toute la journée.

Mais comme chaque nuit le vent forcit montant à 25 nœuds parfois plus, nous sommes encerclés de grains et donc de rafales. C’est repartit pour une séance rodéo et une nuit infernale. Cela devient insupportable aussi devons nous nous résoudre à affaler la grand voile. Nous ne laissons que la trinquette. Avec moins de toile nous réduisons ainsi notre vitesse et quelque peu l’impact de la houle. Néanmoins le bateau grince, couine, le chariot d’écoute fait un bruit insupportable, les drisses à l’avant claquent, l’eau éclatent sur la coque et s’écoule comme une cascade.

Inutile de décrire les mouvements que nous subissons dans nos cabines et le nombre d’heures de sommeil. De plus une certaine inquiétude immisce malgré nous car la météo annonce de forts alizés les jours à venir… Ce qui nous laisse présager de ce qui nous attend encore…
Mais qu’est ce qui nous a pris de vouloir aller à l’île de Pâques ?

Distance parcourue ce 9eme jours : 115 milles

Le 12/02 – 10ème jour

Mon capitaine ce matin a une sale mine. De grosses cernes noires entourent ses yeux, son teint a viré au verdâtre à cause de la fatigue. Son humeur est maussade.

Il me fait remarquer que depuis la Colombie son plaisir de naviguer s’érode.

Il faut dire que les navigations agréables depuis ce pays se notent dans une toute petite parenthèse. Ces traversées ont été la plupart du temps éprouvantes, fatigantes et celle-ci vers l’île de Pâques s’inscrit dans la même lignée, avec en prime la longueur.

Ce n’est qu’un constat. Cependant il est vrai que sans elles nous n’accéderions pas à ces divers pays.

Il y a un prix et celui-ci nous paraît malgré tout conséquent !!!

Nous gardons cependant l’espoir qu’une fois dans les îles du Pacifique, nous retrouverons le plaisir de naviguer.

Là notre plaisir immédiat serait de pouvoir dormir un peu.

Toute la journée les grains se succèdent et l’inconstance du vent vient mettre nos nerfs à l’épreuve.

LES GRAINS : Tu regardes au vent et tu vois une grosse masse de nuage gris parfois noir à sa base et un rideau de pluie dessous. Là, le vent forcit parfois doucement parfois sans crier gare. C’est le moment pour réduire la voilure et se tenir près de la barre. A son approche le vent monte encore, le bateau gîte et loffe ( il vient naturellement dans le lit du vent). Là souvent le pilote n’arrive plus à contrer la force et ne revient pas sur le cap initial, il faut donc prendre la barre et abattre ( s’écarter du vent) Dans les fortes rafales ( ici ça peut monter jusqu’à 40 nd) mieux vaut se mettre au portant et attendre que pluie et vent se calment). Le nuage passe et emporte avec lui tout le souffle du vent, il te laisse livré à la houle, les voiles pendantes. Ça claque dans tout les sens et tu es souvent presque arrêté. Il faut attendre et parfois un grand moment avant que le vent daigne regonfler tes voiles. Alors tu remets de la toile.

Et très vite tu vois à nouveau un grain…

Nous passerons ainsi la nuit à gérer les grains successifs.

Distance parcourue ce 10 eme jour : 115 milles

Le 13/02 – 11ème jour

Les grains disparaissent pour laisser place au grand soleil et aux alizés plus constants. Nous conservons donc juste la voile avant, car le pilote à vent ne maintient plus son cap si nous toilons davantage Notre allure reste bon plein et notre vitesse régulière.

Les conditions sont toutefois plus agréables qu’hier.

La température se fait plus fraîche depuis quelques jours. C’est avec plaisir que nous remettons un sweet en fin de journée et une couette la nuit ( 24°c).

Cela fait du bien de ne plus transpirer comme des veaux.

Je faisais remarquer à Marco que pour faire ce genre de traversée mieux vaut être bien préparé.

Quelqu’un sans expérience marine aurait de quoi être terrorisé et dégoûté de la voile.

Heureusement côté expérience, nous avons eu le temps de nous roder (surtout depuis la Colombie).

Le fait de bien connaître le bateau et d’être techniquement au point aident, le fait également d’avoir des années de pratique en sophrologie et en yoga contribuent pour ma part à mieux gérer mentalement certaines situations. Bien des peurs ont disparues.

Lorsqu’on se trouve soumis à rude épreuve, il vaut mieux apprendre à calmer son esprit car il est tenté parfois de se laisser embarquer par le mental. On peut imaginer facilement le pire lorsque l’on est rudement secoué en sachant que l’on dépend parfois d’un simple câble ou d’une petite goupille. Si ça casse c’est le mât qui tombe….

Et là où l’on se trouve cela peut être une véritable catastrophe. Mieux vaut alors maîtriser notre imagination.

Le côté positif de cette traversée est qu’elle nous met face à nous même. Nous pouvons ainsi prendre conscience de notre façon de réagir, de se comporter face à l’inattendu.

L’aspect psychologique prime, si on arrive à le gérer, c’est en partie gagné!

Bien évidemment nous subissons la fatigue et on reconnaît que l’on en a un peu ras le bol de cette navigation. Mais cela reste une sacrée expérience sur soi !

La nuit ramène son lot de gros grains, le vent passe de 20 à 30 nd.

Marco prend la barre pour atténuer les rafales, si non le bateau part au lof. Il passe sa nuit la tête dans les nuages et sous la pluie, avec en prime quelques bonnes vagues venant exploser sur la coque.

On ne peut pas dire que le vent soit extrême, mais certains paramètres entrent en ligne de compte ;

Selon le bateau, l’allure, et l’état de la mer, l’histoire n’est pas la même !

Notre bateau est petit, plus lourd qu’il ne devrait (affaires, réserves eau, gazole ect..). Il gîte facilement, nous dépendons d’un régulateur d’allure qui gère très mal lorsqu’il y a des sauts de vents et de la houle ; nous devons maintenir un cap près du vent, alors qu’au grand largue on encaisse facilement un vent plus fort et en prime la houle est anguleuse et raide.

Toutes ces raisons font que la navigation devient vite difficile dans les conditions que nous avons actuellement.

Distance parcourue ce 11eme jours : 120 milles

Le 14/02 – 12ème jour

Les grains persistent, il faut être à la barre ( 25-30 nœuds, on enregistre même 40 nd)

Ça devient bien chiant !

Jour comme nuit pas de repos, il faut être dans le cockpit et gérer la barre, le régulateur et le réglage du génois. Nous avons opté pour cette voile afin de la gérer du cockpit et ne pas avoir à aller faire l’équilibriste à l’avant, d’autant plus que nous sommes un peu plus travers au vent.

Vu mes facultés nocturnes engourdies de manque de sommeil, mon équilibre et ma réactivité laissant à désirer ; Marco préfère assurer de Minuit au lever du jour. Il est vrai que le réglage du pilote nécessite de se pencher hors du bateau alors je lui laisse bien volontiers cette charge. Je l’aide pour rouler et dérouler le génois et abattre le temps des grains.
Pluies, coups de vents, vagues passant par dessus bord, réglages incessants voilà le programme de la nuit.

Distance parcourue ce 12eme jours : 110 milles

Le 15/02 – 13ème jour

Marco est découragé, fatigué. Si on avait su, on serait pas venu !
Les grains persistent. Je l’invite à essayer de dormir mais c’est mission impossible.
Depuis le départ nous devons cumuler 3 à 4h de sommeil par 24h.

Quelques heures de répit entre les grains durant la nuit. Je tombe dans un comas sans fond peuplé de rêves durant 6 heures d’affilées, n’entendant même pas le retour des grains!
Heureusement Marco a pu se réveiller à temps pour agir.

Distance parcouru ce 13eme jours : 110 milles

Le 16/02 – 14ème jour

Dormir autant ne m’était encore pas arrivé depuis notre départ. Six heures ! je me sens fraîche comme une petite fleur des champs. Entre deux passages de gros nuages, j’opte pour une bonne douche à l’eau de mer afin de parfaire ma fraîcheur et mon éclat. ( Y a encore du boulot !)
Mon quo-équipier lui n’a pas l’œil aussi vif que moi ce matin ( faut dire que pendant que je dormais, lui bataillait avec le vent) C’est con pour lui…
Les grains ont repris mais à rythme ralenti, le soleil perce après chacun de leur passage. L’aspect de la mer est plus attrayant qu’hier, sa couleur intense lui hôte un peu de son austérité. Les vagues cessent de venir inonder le pont.
Hier en voulant aérer quelques secondes après avoir cuisiné, une grosse vague s’est répandue dans l’habitacle, inondant les matelas du carré, coussin, table à carte… Épargnant heureusement l’ordinateur que j’avais recouvert d’une serviette par sécurité.
On tente de faire sécher tout ça aujourd’hui !
Les grains s’espacent peu à peu, aussi mes pétales engourdies par la torpeur de ces derniers jours se défroissent doucement.
Au fil de la journée, la navigation retrouve un aspect plaisant : celui de glisser sans heurt.
Cette aubaine nous laisse timide et réservé, nous attendons la suite…

Qui arrive inévitablement avec la nuit et le quart à Marco… Le pauvre !!!
Le cauchemar se poursuit jusqu’au lever du jour. Grains sur grains sur grains, putain c’est jamais finit !!! Il faut rouler le génois, abattre, barrer au grand largue le temps des claques du vent, puis remettre de la toile lorsqu’il faiblit, revenir à son cap , régler le régulateur et recommencer encore et encore….
Marco m’annonce que c’est la dernière nuit qu’il passe comme ça ; demain si les grains reviennent, on mettra le moteur.

Distance parcourue ce 14eme jour : 110 milles

Le 17/02 – 15ème jour

Le capitaine à l’œil de cocker, les nuages ont obscurci sa rétine, et les allumettes ne peuvent suffirent à tenir ses paupières.
Sacré vin dieu !!

La matinée se poursuit au rythme des grains un peu moins fréquents.
Un train de grosse houle venant du sud commence à apparaître sans que cela n’entrave notre marche. Il s’agit de collines aqueuses aux formes rondes et très espacées, elles soulèvent en douceur le bateau, nous élevant quelques secondes vers les cieux. Nous avons ainsi une vue plus aérienne et dégagée.
L’après midi glisse en douceur sans heurt… Du bonheur….

Comme d’habitude j’assure la surveillance jusqu’à minuit, comme par hasard c’est au moment de la relève que les grains reviennent. Marco exaspéré veut mettre le moteur direct.
Je lui dit que je m’occupe de celui qui arrive. Après son passage le ciel reste chargé et je me laisse convaincre que le moteur nous permettra de dormir tranquille.
A 03h00 une alarme stridente me tire des cieux et me fait réintégrer la coque au milieu du Pacifique.
En quelques secondes je suis debout, le vacarme vient de l’extérieur, je pense à un bateau à proximité. En une enjambée je gravie les quatre marches, le cœur battant dans ma tête.
Il n’y a rien , ni personne, par contre l’alarme aiguë m’oriente vers le moteur. Je stoppe instantanément l’engin.
Marco surpris par ce silence soudain se réveille. Il découvre l’origine du problème en regardant dans le moteur. La courroie du système de refroidissement de la pompe à eau a pété. On espère que le moteur n’a pas trop chauffé et qu’il n’est pas endommagé. Notre mécanicien armé de sa frontale se met au boulot instantanément. Il ne pourra dormir sans s’assurer que le moteur est en état de fonctionner. Heureusement nous avons une courroie de rechange !
Après réparation, vérification et essai nous sommes rassurés, notre bijoux n’est pas cassé !!
Un coup d’œil à la VHF nous informe que nous passons le tropique du Capricorne. Donc avant de retourner en position horizontale, nous allons offrir quelques gouttes de rhum aux éléments et une bonne lampée pour nous, afin de nous aider à nous remettre de nos émotions et mieux dormir.
Je pense que ce vieux remède de cow-boy n’est finalement pas si mal car très vite on replonge dans les bras de Morphée.
Les grains sont allés se coucher. Le génois gonflé nous emmène peu à peu vers notre destination.

Distance parcourue ce 15 eme jours : 120 milles

Le 18/02  – 16ème jour

Nous nous approchons sérieusement de notre but plus que deux jours de mer !!!
Marco part faire son tour d’inspection quotidienne. Le sel en quelques jours a fait son œuvre, la rouille s’insinue partout et le guindeau électrique de l’ancre ne marche plus. Notre bricoleur se met à l’œuvre pour tout démonter, nettoyer et s’aperçoit que le contacteur est cassé.
Avec astuce et ingéniosité il trouve une solution et nous répare ça. Il est génial ce type !!
A notre arrivée un grand nettoyage s’impose car l’eau de mer s’est infiltrée partout (avec ce qu’on s’est pris sur la tronche) !!!. La coque a besoin elle aussi d’un soin car algues et Bernicles ont poussé.
C’est fou la rapidité avec laquelle les choses se dégradent !!
C’est à peu près la même chose pour nos trombines, avec la fatigue nos traits se tirent, nos yeux se creusent et notre teint en prend un sale coup. En 15 jours nous nous sommes allégés de quelques kilos, mais nous avons pris quelques années dans les dents !!!
Comme si cela ne suffisait encore pas, il s’avère que demain le 19 c’est l’anniversaire à Marco !!
Le pauvre il s’en prend une de plus, je m’en sors bien sur ce coup là !!

A minuit pétante toute la bande de potes à Marco se rappliquent, ils sont venus pour souffler les bougies et arroser l’événement !! Ce sont ses copains les grains qui jusqu’au bout ne nous lâchent pas ! Dans le quartier il n’y a personne, ils s’emmerdent alors ils s’en prennent à nous, lâchement.
Après en avoir essuyer deux, nous renonçons à cette fête nocturne, on met le moteur et partons nous coucher.
Plusieurs fois nous pensons que nos copains sont rentrés chez eux, alors on remet les voiles.
Mais ils reviennent en nous voyant, alors on remet le moteur et ainsi de suite !!!

Distance parcourue ce 16eme jour : 105 milles

Le 19/02  – 17ème jour

Marco entame sa nouvelle année pas dans l’état le plus frais, mais avec une douce perspective. Celle d’arriver demain. Avec la promesse d’une nouvelle terre, de bonnes nuits de sommeil, de bières fraîches et d’un petit resto, histoire fêter tout ces événements.
Il ne nous reste plus que 100 milles avant d’atteindre les côtes, nous devrions y être demain matin…
Nous finissons cette traversée au portant, avec le génois tangonné. Le vent a faibli et pour l’instant les grains nous laissent tranquille.

Une chose est sûr c’est que l’on ne s’inscrira pas pour le vent des globes. Nous ne sommes pas des aventuriers téméraires, juste de simples voyageurs. Nous n’avons pas choisi le mode de locomotion le plus tranquille, mais malgré tout cela nous offre l’opportunité d’explorer les vastes océans et ces terres magnifiques.

Le 20/02

Au lever du jour, l’île de Pâques apparaît à quelques milles devant nous.
Lorsque je la découvre mes yeux plein de sommeil s’emplissent de plein de larmes. Quelle émotion !
Nous restons à regarder cette terre qui s’approche en sachant à présent pourquoi nous avons fait cette longue traversée.

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Une île avec deux reliefs montagneux ronds de part et d’autre, une terre basse, plate au milieu. De loin elle semble pelée, mais elle est juste dénudée avec quelques touches de forêt ici et là. Sa face Nord tire sur le jaune et laisse supposer une terre aride, des falaises soulignent son contour. A l’ouest de grands champs verts aux monts vallonnés, encadrés par des palmiers et végétations plutôt surprenantes, des chevaux et un village du nom de Hanga Roa. Les fameuses statues les Moaï sont là sous nos yeux, tournant le dos à la mer.

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Nous jetons l’ancre par 20 mètres de fond face à lui. Nous sommes en pleine mer juste abrités par le relief de l’île aussi malgré l’absence de houle, ça roule un peu . Il n’y a qu’un autre bateau ici, un catamaran de Français qui viennent nous accueillir. Ils nous offrent du pain et un ananas en signe de bienvenue.
Juste à côté se trouvent des spots de surf qui fonctionnent avec des houles plus importantes. Mais déjà là il y aurait de quoi s’amuser.
Trop fatigués pour rejoindre la terre nous nous endormons.

Le 21/02

Le village est joli, propre, l’influence Polynésienne est présente.
Nous rejoignons les statues le long de la côte. Dans ce milieu aux notes Irlandaises, les Moaï semblent veiller à la protection de l’île. Ces statues sont massives, imposantes, le temps a coulé sur elles sans éroder leur esprit mystérieux.
Une puissance émerge de ces empreintes d’ ancienne civilisation et nous éprouvons naturellement une sorte de respect.
L’air est frais, vivifiant, c’est un plaisir que de se remplir les poumons, les yeux de ces changements.

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