Huahine nous offre son mouillage confortable dans le lagon entouré de belles montagnes.
La veille de notre départ la petite famille à Jean Luc et un ancien pote de l’UCPA viennent à bord fêter notre départ. Une célébration à la Hinano histoire de quitter dignement la Polynésie !
1er Jour de navigation
Le lendemain matin, le ciel est chargé de grains et de pluie, il faut néanmoins lever l’ancre, l ‘heure du départ à sonné ! Durant quelques heures aucun répit, nous sommes mis dans le bain direct ! Nous devons passer au Sud de Raïatea, pour cela on doit maintenir l’allure du près.
On s’active, on réduit la voilure. Le bateau gîte, les vagues cognent, nous éclaboussent, les grains se succèdent. On espère juste que la météo annoncée ne tardera pas à arriver !
La perspective de cette longue traversée ne m’a pas empêché de dormir. J’ai appris avec ces quelques années de navigation, à ne plus me faire de bile à l’avance. Tout étant imprévisible, mieux vaut ne pas penser et attendre d’ être dans le feu de l’action.
Là, nous y sommes. Les grains n’étaient pas prévus et pourtant ils font partit de notre décor aujourd’hui !
Nous avions également projeté de faire route avec escale à Suwarrow et quelques heures avant de partir nous avons changé notre plan (à cause de la SPCZ qui semble se diriger sur la route du nord, d’ici quelques jours). Nous passerons donc par Palmerston, la route du milieu !
Encore une fois, mieux vaut ne pas se focaliser sur les plans initiaux et rester disponible au changement à tout instant !
Hier nous avons passé quelques heures à nettoyer, frotter la coque, afin d’enlever algues et crustacés. Nous nous en félicitons car le bateau glisse à merveille frôlant les 7 nœuds au portant avec 25 nds de vent ! Au fil des milles, dans les limbes nuageuses, les différentes îles de la société s’éloignent peu à peu : Huahine, puis Raïatea, Tahaa, Bora Bora…
Nous prenons conscience que cette fois s’en est finit de la Polynésie. Arrivé depuis 3 ans dans ces lieux, nous avons eu largement le temps de profiter de tous les archipels, ( seul celui des Australes manque au tableau).
Ce rêve Polynésien fut à la hauteur de nos attentes et même plus. Nous avons été imbibé de la beauté des îles, leur tranquillité et la gentillesse des gens. Nous avons aussi été bien secoués par les vents et la mer… La force des éléments et de la nature est bel et bien présent. Par dessus tout, c’est peut être l’aspect sauvage et préservé de certains lieux qui nous ont le plus touché (comme ce fut le cas aux Tuamotu). Combien de lieux aujourd’hui ont pu conserver leur authenticité sans que la main de l’homme ne les dénature ?
Trouver encore des endroits où l’aspect originel et la pureté rayonnent est si rare…
Ce fut pour nous, une expérience unique et un moyen d’apprendre à vivre en harmonie avec le milieu ambiant, apprendre à se nourrir de ce que l ‘on y trouve… Et par conséquent une façon de devenir plus respectueux de notre environnement, sachant que nous en dépendons.
Il y a tant de merveilles sur cette planète… souhaitons que les consciences s’éveillent afin de les conserver !!!
Dans la nuit, les nuages se dissipent peu à peu laissant place aux étoiles et à une voix lactée scintillante. Les grains nous quittent, les vents se calment et la mer du coup, devient moins agitée.
Vu la route que nous faisons, nous pouvons nous autoriser des quarts et une surveillance un peu plus laxiste ! On doute fort de croiser un bateau dans ces eaux du Pacifique.
2eme Jour
Le soleil est là, un doux vent d’une vingtaine de nœuds souffle dans nos voiles. L’horizon a perdu tout relief il n’y a plus une terre à vue! Le bleu outre mer et bleu ciel imprègnent désormais nos rétines. Le grand large porte en lui une forme de silence qui inspire le respect. Le bavardage n’a plus de place, et c’est vrai que sur l’eau les mots perdent leur raison d’être. Nous nous imprégnons davantage de ce qui nous entoure : du murmure ou sifflement du vent, nous écoutons l’écoulement de l’eau, son clapotis, ses chocs sur la coque, même la voûte étoilée semble emmètre une certaine mélodie. Les cris d’oiseaux retentissent aussi. Aujourd’hui l’un d’eux à la blancheur immaculée est venu à deux mètres au dessus de moi en stationnaire, pour m’observer, j’ai fait de même avec lui !
Le soleil dans la journée est trop violent pour pouvoir rester dehors, nous n’avons hélas pas de bimini ! Comme nous sommes vent arrière, nous pouvons ouvrir les hublots pour ventiler l’intérieur malgré la houle!
Nous prenons notre repas dans le carré, quand tout à coup une rafale fait partir le bateau au lof.
Nous entendons un grand fracas, je vois les yeux de Marco sortir de leurs orbites en comprenant ce qu’il va arriver… Une vague d’eau pénètre alors par tous les hublots ouverts. Nous prenons une copieuse douche avec élan : nos assiettes débordant d’eau de mer, les coussins du carré flottant joyeusement ; le sol trempé… Marco se précipite à l’extérieur pour redresser la situation, je l’entends crier en voyant un ruisseau se déverser dans nos cabines. Tout est inondé, les matelas baignent dans l’eau de mer. Quelle poisse ! Nous voilà occupés durant quelques heures et bien ennuyés car nous ne pouvons rien rincer à l’eau douce ( nos réserves ne nous le permettent pas) On éponge, on essort tout ce que l’on peut… Nos matelas ont bien reçu ! On fera sécher tout ça demain au soleil, mais en attendant l’humidité accompagne notre nuit. Pas seulement l’humidité d’ailleurs, mais de bonnes secousses également. Nous avons tangonné le génois et sommes plein vent arrière, avec la houle ça roule d’une copieuse façon.
3 eme jour
Ce matin, j’ai l’impression d’avoir été matraqué et d’avoir la gueule de bois ! Le manque de sommeil combiné au corps contracturé par le mouvement incessant me remet rapidement dans le bain des traversées. C’est le régime habituel ! D’ailleurs d’ici 3 ou 4 jours on aura perdu 3 ou 4 kilos en prime. Marco ayant déjà l’épaisseur d’un haricot vert, je me demande ce qu’il va rester de lui ?
Le bol fumant du petit déjeuné reste dans l’évier car à tout moment ça peut valdinguer, si tu veux tremper ta tartine et bien tu restes debout !
« C’est quand même pas facile, hein ? » me dit Marco.
Pourtant les conditions sont assez clémentes : les grains ont cessés, le vent se maintient à 20 nœuds, ça roule juste à cause de la houle…
Hier, deux jolis thons jaunes ont mordu aux lignes de traîne. Nous avons rendu la liberté à l’un car la taille de l’autre nous suffit pour en manger durant 3 jours ! Ces cadeaux de la mer sont toujours bien appréciés…
En début de nuit, je viens gratter les pieds de Marco pour le réveiller afin qu’il m’aide pour une manœuvre. Il fait un bon prodigieux, les yeux hagards et paniqués.
« J’étais en train de rêver que le moteur crachait sur moi plein de liquide huileux et que j’étais tout noir, il y en avait plein les cabines… »
Quelques heures plus tard le vent tombe méchamment, le tangage ne permet plus de porter les voiles, il nous faut l’aide du moteur.
Nous démarrons notre engin et voilà qu’il s’arrête, nous recommençons même scénario !
Marco va voir ce qui se passe dans la cale moteur, mais ne voit rien, impossible de mettre ce foutu engin en route. Notre malheureuse voile bringuebale comme nous d’ailleurs.
Marco entreprend de démonter, changer tous les filtres, nettoyer, vérifier tout le circuit gazole… Rien ! Il passe toute la nuit plié en deux dans une toute petite trappe donnant accès au moteur, shooté à l’odeur de gazole et du manque de sommeil. Je fais son assistante pour aller chercher les outils, éponger le gazole… Après avoir tout essayé Marco en déduit que le problème vient certainement de la pompe à gazole et pour réparer ça, il faut peut être sortir le moteur !!
Au lever du jour, nous sommes désespérés. Il nous faut réfléchir à la suite des évènements. Nous allons prendre l’air et calmement envisageons toutes les solutions possibles.
Continuer la traversée sans moteur c’est s’exposer au risque d’amoindrir notre sécurité, si nous avons le moindre problème de gréement et bien on est pas dans la merde. De plus, nous devons traverser une zone sans vent qui en principe nécessite le moteur. Il nous reste plus de 2000km à parcourir aussi nous ne pouvons prendre le risque de poursuivre. Que faire ? Demi tour à Raïatea ? Les plus de 600km face au vent et la houle ne nous enchantent guère. Parmi les îles voisines nous étudions celles où l’on pourrait s’arrêter ( munies d’un port) et surtout où nous pourrions trouver de quoi réparer.
Notre unique chance se trouve à Rarotonga , capitale des îles Cook du Sud à 500 km de là. Nous allons devoir changer de cap.
Entre temps le vent est de retour ce qui nous permet de gonfler à nouveau nos voiles. Nous remettons le tangon et PAFF ! L’accroche du hale-haut casse, on a pas de riveteuse pour réparer alors on bricole… Là, ça commence à faire beaucoup !!!
4eme jour
Marco passe à nouveau toute la journée le nez dans le moteur pour tenter quelque chose mais en vain. Entre l’odeur de gazole, le manque de sommeil, la tension, nos mines ne sont pas belles à voir ! Heureusement le vent se stabilise et nous avançons à bonne allure au portant.
L’iridium, nous permet de contacter par mail le CROSS Gris nez afin de les informer de notre situation. Ils ne tardent pas à nous répondre qu’ils ont pris contact avec les autorités portuaires de Rarotonga et qu’ils seront là pour nous porter assistance à notre arrivée. Toutes les 12 heures nous leur communiquons nos positions.
La météo prise, nous laisse entrevoir la menace d’un front sur notre route … Cela signifie des vents perturbés, changeants, des grains, des rafales et des moment sans vent avec de la houle ! Super ! surtout sans moteur…
En attendant on essaye de dormir, mais cela s’avère mission impossible, l’esprit reste malgré nous en alerte…
5eme jour
Le jour se lève et nous laisse découvrir le carnage qui nous attend, nous sommes cernés par des barres noires de toute part qui se dirigent vers nous. On se prépare : on opte pour une simple trinquette à l’avant, on ferme tout, on cale, on sort les vêtements de pluie et on attend.
Le grain arrive rapidement accompagné de pluies diluviennes, Marco dehors se prend sa rincée matinale et se tient prêt de la barre durant quelques heures… Les rafales sont passées, mais le pire reste à venir : privé de vent, une mer démontée secoue le bateau en tout sens ! Nous devons affaler notre unique voile. Enfermé dans le bateau on valdingue, on danse le rock&roll, se laissant dériver on ne sait où.
Soudain, le vent reprend de plus belle, il passe au Sud, forcit et s’établit à 30-35 nds . Comme si cela ne suffisait pas d’autres grains se joignent au concert avec des rafales à plus de 40 nds. La mer en colère projette des vagues qui catapultent tout ce qui se trouve dans le bateau, nous y compris ! Nous nous sommes enfermés, et mieux vaut ne pas mettre le nez dehors, sous peine de suivre l’écoulement des masses d’eau qui passent par dessus. Effrayant est le mot qui me vient en regardant par le hublot.
C’est ce que l’on appelle une bonne dégelée !
Nous nous calons dans nos cabines avec des coussins amortisseurs et patientons pendant 10 heures.
Les détonations nous font sursauter, ça valdingue, ça tangue, ça saute, ça tape… ! Le vent hurle, la pluie s’en mêle. Notre embarcation n’est plus qu’une coque de noix se faisant balloter dans tous les sens. Au milieu de cette situation, me revient à l’esprit un jeux que je faisais avec ma sœur : tu préfères quoi ? Alors je demande à Marco :
« Tu préfères quoi : être là, ou devoir manger une crotte de chien ? »
« Etre là et toi ?»
« Moi aussi ! »
Du coup on est presque content de notre sort ! L’humour est souvent un bon atout face à certaines situations, et aujourd’hui on en a bien besoin. Ce sont les pires conditions au niveau intensité que nous avons connu jusqu’alors en mer, malgré tout nous n’avons pas l’impression d’être en danger.
Rester centré, calme, relativiser et patienter est certainement ce qu’il y a de plus adéquate. Lorsqu’il n’y a pas d’autre alternative, mieux vaut opter pour une forme de passivité et d’acceptation !
Nous n’avons pu nous mettre à la cape car hisser les voiles s’avérait un peu trop périlleux, aussi, après avoir dérivé durant 10 heures sur 40km, peu à peu le vent baisse.
Nous pouvons à nouveau reprendre notre route, la nuit est déjà tombée. Etonnement la houle se calme très vite, nous en sommes surpris ! Prudemment nous ne mettons que la trinquette à l’avant, puis nous sortons la grand voile et passons entre quelques petites îles des Cook du Sud.
6eme jour
Au matin le vent se fait plus que léger et nous devons sortir le spi pour continuer d’avancer.
Comment peut on imaginer vivre des situations si différentes en l’espace d’une journée ?
Aujourd’hui le soleil brille, la mer est ronde, les vents doux. L’environnement balaye hier. Nos esprits cependant mettent un peu plus de temps à le faire, les empreintes sont encore trop fraîches.
Marco a un coup au moral et le sommeil n’a pas été là pour lui venir en aide. Entre les soucis de moteur, la météo à venir, notre arrivée au port, notre route et organisation future…Cela soulève quelques réactions et réflexions…
Parfois on se demande si tant de risques et de complications en vaut la peine… Mais ça c’est quand on a pas le moral…
Il nous reste encore 180 km avant d’arriver, nous mettons tout de notre côté pour arriver demain de jour. Cela implique de s’occuper au mieux de la marche du bateau, en sortant nos différentes voilures pour s’adapter aux caprice du vent.
A la tombée du jour, on remplace le spi par la grand voile et trinquette car le vent a repris un peu de vigueur. A cette allure là, nous serons rendu demain matin à bon port : petit port de commerce qui n’est pas aménagé pour les plaisanciers, mais ils y a moyen de s’y arrêter, en mettant une ancre à l’avant et en accrochant 2 amarres à quai. Par contre, son exposition complètement ouvert au Nord, ne tolère guère des vents de ce secteur. La météo hélas nous apprend que d’ici quelques jours cela risque d’être le cas… Aï ! Aï, Aï…. Bon on verra…
7 eme jour
On approche de Rarotonga, nous tentons de joindre les autorités portuaires qui ne répondent pas. Nouvel essai plus loin : toujours rien. Le stress monte. Quelle alternative avons nous si personne ne nous vient en aide ? Les divers scénarios défilent comme les milles et nous voilà à seulement 1 mille de l’entrée quand enfin, la connexion s’établit. Un remorquer arrive, cependant vu la houle, nous préférons être engagé dans l’entrée du port ( lieu moins agité) pour donner nos amarres.
Nous y sommes, le temps de rouler le génois, le vent nous déporte dangereusement vers les reefs. Le remorqueur prend nos amarres et œuvre rapidement, passant à 2 mètres des rochers. OUF !
On se laisse conduire jusqu’au grand quai des cargos où tous les navigateurs et le personnel du port sont là pour nous accueillir et nous aider. Après toute cette tension accumulée, se savoir enfin arrivé et un véritable soulagement, on en a les larmes aux yeux !
Cinq minutes après avoir mis nos lignes à quai ( lieu temporaire), le mécano déboule et nous rassure direct en nous disant qu’il y aura toujours moyen de bidouiller un truc sur la pompe de gavage, en piquant des pièces s’il le faut sur d’autres moteurs.
Puis ce sont les autorités qui défilent dans le bateau, contrôle sanitaire, papiers d’immigration, formalités diverses… Fruits et légumes sont saisis, le bateau flitoxé. On va s’informer du prix du remorquage effectué : 150 euros ( ce qui est raisonnable).
Enfin, nous pouvons souffler, manger et boire un coup avec un couple de suédois que nous avions rencontré aux Gambiers !
C’est marrant comme le fait de vivre certaines galères, nous fait d’autant plus apprécier chaque instant qui ne l’est pas. Il faut dire que l’on flotte dans un état d’ivresse lié au manque de sommeil, à la retombée du stress, et au fait que l’on ne soit plus soumis aux mouvements de la houle. A terre j’arrive à peine à marcher droit, la tête me tourne, mes jambes flageolent.
Et quand vient l’heure du coucher, allongé dans nos cabines nous touchons à l’extase avoir un lit presque à plat. Nos corps s’enfoncent dans les profondeurs récupératrices.
Tous les navigateurs se préparent à l’arrivée du coup de Nord ( qui semble plus que redoutable). La plupart ont décidé de partir de là, ce qui implique qu’ils vont se prendre le front en mer !
Quand à nous, une idée à germée,
dans le port se trouve une petite enclave pour les locaux qui est abritée d’une petite digue au Nord. Même si toutes les places sont occupées, Marco envisage la possibilité de se mettre à couple avec un bateau de pêche. Il va donc trouver le type, brasse avec le port et au final, il semble que cela soit envisageable…
Mais avant il faut que notre moteur soit en état de fonctionner !
Rarotonga est une île aux reliefs montagneux et vert, « la ville » et les habitations ressemblent vraiment à celles de la Nouvelle Zélande. C’est un changement de décor et d’ambiance : tout est propret, soigné, de belles maisons aux jardins bien entretenus, toutes les commodités souhaitées…
Ce que nous apprécions c’est aussi la température ! Il fait bon et même frais la nuit : nous avons changé de latitudes… Les gens sont d’un abord sympathique !
Espérons que nous ayons le temps de faire un tour d’île et de se balader un peu car le lieu à l’air vraiment agréable !
Et ça l’est!!!