Archipel surprenant!!!

Le 18/08

Un relief imposant entoure le mouillage de toute part, nous n’avons jamais connu pareille protection. En mer, le vent se déchaîne. La tempête est là. Quelques rafales atténuées viennent lécher le voilier charriant une pluie diluvienne. Abrités derrière les monts, calfeutrés dans le bateau, nous imaginons sa furie au delà des terres.

Une sorte de contentement nous envahit avec une agréable sentiment d’être en sécurité. Nous savons ce que peut être la colère des éléments pour avoir goûté à sa saveur sauvage et quelque peu brutale. Lorsque que la houle aiguisée, griffe la coque et la gifle, lorsque le sifflement du vent lime les haubans en faisant trembler la mâture, lorsque le voilier n’est plus qu’un petit bouchon vacillant sur les crêtes d’écumes blanches… Cette fois, on est à l’abri et nous pensons à ceux qui n’ont pas notre chance. Nous avons entouré le hublot latéral de cellophane. Cela semble être efficace car nous n’avons plus à vider toutes les heures les bassines alignées. Toute la nuit, nous sommes bercés par les gouttes d’eau éclatant au dessus de nos têtes. Sous ma couette, je me réjouie à l’avance de la bonne récolte de pluie que nous allons faire dans la bâche tendue dans le cockpit. Dès le réveil, chacun va jeter un œil au fruit de notre récolte avec satisfaction : plus de 100 litres d’eau !!! A poil, sous une pluie battante, nous nous attelons à la filtrer avec un bas et à remplir bouteilles et réservoirs. Nous en profitons pour nous shampooiner, nous laver. Quel régal de se sentir ainsi tout propre sans résidu de sel. A 4 sur le bateau l’eau douce est plus que restreinte, on se lave à  l’eau de mer et seulement un verre d’eau douce pour le rinçage. Là c’est la fête, on a droit des seaux…

Durant 3 jours, pluie, rafales, vent tournant nous gardent à l’intérieur de notre coque. Nous profitons des quelques accalmies pour aller au village porter notre linge ou faire quelques achats. Nous revenons parfois sous des trombes d’eau et devons attendre que les rafales cessent pour pouvoir rejoindre notre embarcation. Marco et moi allons au chantier qui va accueillir Tidoudou durant le prochain hivernage, afin faire les formalités. Il est situé à une petite heure de marche de l’autre côté de l’île. Le long de cette route, plus que campagnarde, se trouvent des habitations rustiques, des cahutes en tôle, des champs, des forêts, des cochons, poules et chiens en liberté. Marco manque de se faire mordre un mollet par un colosse enragé. Un cochon se fait heurter par une voiture.

Nous découvrons le petit chantier en bas au bord de la mer appuyé à une haute falaise, bien protégé apparemment !! Laisser son bateau durant des mois dans des zones cycloniques est toujours un peu stressant. Les propriétaires nous rassurent en disant que nos bers en bois seront spécialement conçu pour notre bateau et que des sangles seront attachées. Le système D est de rigueur !!!

Aujourd’hui le soleil radieux est de retour, nous pouvons quitter notre bouée. Petite navigation entre les îles en tirant des bords proche des berges volcaniques pour rejoindre le jardin de corail.

Généralement, dans ces canaux les baleines ne s’y aventurent pas mais là, nous avons le plaisir d’en voir deux, tout à côté du bateau. Ce salut gracieux, telle une révérence, nous remplis une fois de plus les yeux et nous met en joie. En 2 heures, nous avons rejoint le mouillage. Nous pouvons partir marcher dans une forêt où la végétation est si entremêlée qu’elle ne laisse guère de place aux rayons du soleil. Il faut se frayer un chemin entre les lianes, les branches, les feuilles des pandanus, les tapis de noix de coco… La terre encore humide distille des effluves feuillues et d’humus. Des oiseaux roucoulent. En quelques minutes, nous quittons l’ambiance marine pour plonger dans celle boisée.

Le lendemain, nous nous rendons aux jardin de corail celui-ci a hélas été détruit lors du cyclone de 2002, les coraux se reforment malgré tout peu à peu. Dans cette eau cristalline les couleurs scintillent autour de nous, entre coraux violets, jaunes, verts… et profusion de poissons rivalisant par leur teinte.

Quelques sirènes excitées par la beauté de ce lieux se déchaînent.

Nos rétines sont encore mises à rude épreuve lorsque nous rejoignons quelques heures plus tard, le mouillage réputé le plus beau de Vava’u.

Nous sommes surpris qu’il n’y ait aucun bateau dans cette piscine turquoise. L’entrée délicate imposant un slalom entre les reefs doit dissuader les gros voiliers de venir jusque là ! Décors de cinéma, cliché parfait, couleurs éblouissantes si intenses que cela semble irréel, comme si l’on avait quelque peu trop exagéré. Et personne !!!

Les jeunes partent explorer leur nouvelle piscine, pendant que Marco et moi regagnons la berge à la nage afin de faire le tour de ce petit joyaux. Quelques roches sculptées façon Seychelles sont posées sur les plages blanches. Petites criques sablonneuses successives au milieu de falaises et végétation…

Il nous faut parfois marcher dans l’eau pour contourner ces reliefs montagneux, puis crapahuter dans la forêt lorsque le terrain devient trop accidenté. Le vol de chauve souris géantes, d’oiseaux bleus, de gros papillons… nous portent à croire que nous avons définitivement changé de réalité. La perfection se dessine partout où notre regard se pose. Une fois de plus, nous avons conscience de toucher à de l’exceptionnel ! On pourrait croire que ces décors d’îles finissent par se ressembler, mais il n’en est rien. A chaque fois, nous sommes subjugués par l’art de mère nature, de sa capacité à rendre un lieu unique. Tant de diversité laisse penser qu’une seule vie ne peut suffire pour contempler tous ces chefs d’oeuvres existant sur terre ! Cependant, ce qui m’est offert suffit à me combler.

Un autre mouillage unique est celui situé dans le cratère d’un ancien volcan. La passe se franchit à marée haute car il n’y a que 2,50 m de fond. L’entrée est très étroite avec du courant.

Une fois à l’intérieur du cratère complètement fermé, on se croirait sur un lac. C’est une zone anticyclonique par excellence. Les rives sont pourvues d’épaisses chevelures vertes ébouriffées.

Il y a quelques habitations dissimulées dans cet amas de verdure. Un gars vient nous vendre des papayes et des bananes en kayak. Un chouette type qui prend le temps de parler et nous ramène bientôt de la salade toute fraîche et des racines ressemblant à des pommes de terres.

Le lendemain, un grand père vient nous voir avec sa barcasse taillée dans un tronc de manguier. Un système de balancier ( comme les pirogues Polynésiennes) permet d’assurer l’équilibre.

Il veut troquer avec nous. En échange de quelques fruits, il repart avec 2 shorts Patagonia tous neufs, des perles de cultures un peu cabossées des Gambiers, des leurres….

Je pense que grand père a fait une bonne affaire mais cela ne semble pas lui suffire, il insiste : «  more, more ! » Pépé semble avoir oublié notre deal, il se fait trop insistant. Il faut que je me fâche et lui rende la moitié de ses bananes pour qu’il nous lâche la grappe. Voilà un des problèmes que génère le tourisme et nous en sommes en partie responsable. Il faut savoir donner mais pas trop, sous peine de créer des envies et attentes. Combien de pays avons nous ainsi traversé où le fric des touristes a contaminé les esprits des locaux, alors qu’ils vivaient plus en harmonie sans. Nous sommes parfois vu comme des billets sur pattes, parce que nous ne savons pas trouver la juste mesure du don.

En allant marcher sur les pourtours du volcan, nous découvrons des plantations sur les hauteurs au milieu des bois. En redescendant sur l’autre versant, c’est encore un nouveau décors qui nous attend : roches aux formes de champignons, sculptée par les eaux. La grisaille du temps teinte encore différemment ce lieu, lui donnant un air mystérieux.

Ce kaléidoscope coloré s’imprime dans nos esprits et son expression se traduit différemment pour chacun de nous.

Willy laisse couler toutes ces couleurs le long de ses pinceaux en peignant des poissons, en s’adonnant à de la broderie…

Mais également en tentant de fixer des teintes sur le tissus de son short : sang de bonite fraîchement pêché, encre de seiche, peau de bananes, la bogue verte de noix de coco… Il étale généreusement et avec créativité toutes ces matières sur le tissus. Toutes ces tâches l’enchantent, Marco est moins sensible à ce genre d’art trouvant que ce chiffon taché pue un peu trop !

C’est assez épique de voir les contrastes masculins qu’il peut exister ! Et là nous avons 2 phénomènes bien opposés… cela m’amuse beaucoup ! Vivre dans l’espace restreint d’un bateau amène automatiquement à révéler nos différences, à mettre à nu notre personnalité. La cohabitation implique que chacun arrondisse ses angles et adopte une forme de tolérance. Mais parfois, cela n’empêche que ça grince un peu… Mon solitaire semble manquer d’air et a un peu de mal à supporter certains travers. Quoiqu’il en soit, rien n’entache mon plaisir d’avoir ma fille à mes côtés et de pouvoir partager tous ensemble des moments pour le moins extraordinaires.

Nous venons de détecter une nouvelle fuite dans le bateau : la pompe d’eau de mer du moteur fuit. Marco la démonte et se rend compte qu’une palle du winpeller est cassée. Il change la pièce mais en la remontant une vis casse. Et là, un enchaînement d’emmerdes et de complications s’en suivent… Le goutte à goutte s’est transformé en grosse fuite rendant le moteur inutilisable. Cette fois, c’est bien toute la pompe qu’il nous faut changer, mais hélas nous n’avons pas cette pièce de rechange !!! Nous sommes loin du village. Entre les passes à franchir, les entre-las d’îles créant des déventes et les petits canaux, il n’est pas envisageable de s’y rendre à la voile. De plus, notre VHF ne porte pas assez loin pour joindre le chantier ou un mécano. La défaillance d’une simple petite pièce entraîne bien des soucis ! Marco garde le nez dans le moteur des heures durant, il ne dort pas de la nuit, se rend à droite à gauche pour tenter de trouver une solution… Heureusement, nous sommes toujours dans le cratère du volcan, bien protégés des vents qui tournent et forcissent.

A force de réfléchir à ce problème, Marco a l’idée d’enduire le joint de la pièce à l’époxy. Et ça marche en partie ! ou tout au moins cela permet de réduire considérablement la fuite… et de pouvoir envisager d’utiliser le temps des manœuvres nécessaires. Mais il nous faut une nouvelle pièce rapidement. Un habitant de l ‘île doit se rendre au village avec son bateau moteur, Marco profite de l’occasion pour aller avec lui. Le gars du chantier ne lui remonte guère le moral. Pas de pièce ici, et commander en Nouvelle Zélande prendra des semaines, avec en prime de gros frais de douanes et des transactions compliquées. Mais une autre solution peut être envisageable c’est de faire appel aux parents de Willy et les charger de cet envoi. Là où nous sommes pas de possibilité de communiquer, il nous faut donc quitter le mouillage. Le moteur ne sera utilisé que pour franchir la passe et s’ancrer.

Nous sommes violemment mis au parfum une fois la passe du cratère franchie : vent entre 25 et 30 nœuds, rafales à 35, avec en prime une route au près serré, du slalom entre les îles, virements de bords incessants, déventes soudaines liées au relief… Nous devons également faire attention aux baleines et aux bateaux qui mènent les touristes plonger avec elles. Malgré la trinquette, la grand voile 2 ris, Tidoudou s’incline dangereusement et plus encore lors des rafales. Heureusement pas de houle dans ce labyrinthe !!! Une nouvelle expérience pour nos matelots !

Après quelques heures de navigation, nous voilà ancrés dans une piscine bleutée, entourés de jolis poissons. De quoi oublier momentanément ces histoires de pompes qui commencent à nous pomper : entre celle de gazole et celle d’eau, on est servis cette année !!! Comme les emmerdes n’arrivent jamais seuls, le branchement électrique du guindeau vient de se couper avec l’électrolyse en arrivant au mouillage. Le pauvre Marco qui est déjà tendu, va devoir encore s’occuper de ça !!! Notre fuite d’eau de mer dans les cales n’est toujours pas résolue, nos hublots décollés continuent de fuir, mais si non, tout va bien… Ces différents problèmes font partie des joies de la navigation !!!

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