Le 12 Septembre
Ce matin, le vent a suspendu son souffle rendant le décors irréaliste. L’eau lissée devient miroir sur l’horizon. Des îles flottent dans un firmament unifié ou mer et ciel s’embrassent. Le petit chapelet d’îlots lévite en douceur entre les nuages.
Nos regards se trouvent aspirés dans cette immobilité, figés dans cet instant. La nature se met en apnée. Elle semble ainsi se concentrer, se recharger avant de réamorcer son mouvement. Par expérience, nous savons que ce calme précède souvent une intense activité derrière. Et effectivement, un talweg passe. Bien souvent, le vent bascule soudainement au Sud avec force, nous avons donc prévu le coup, en se planquant derrière un relief en conséquent.
De gros nuages noirs se forment transportant en dessous d’épais rideaux blancs chargés de pluie. Nous sortons armés de savon et shampoing pour une bonne douche des cieux. Nous tendons la bâche pour la récolte. En moins d’une heure, on récupère 100 litres d’eau qui vont nourrir nos tanks et jerricans. J’en profite pour laver du linge. L’eau si précieuse à bord n’est nullement gaspillée, elle est bénie…
Le lendemain, le ciel est encore chargé et les vents se renforcent, nous décidons de trouver une meilleure protection en rejoignant un petit bassin fermé à quelques milles de là. Nous devons franchir une passe, le ciel gris déteint sur l’eau, il est bien difficile de discerner les couleurs annonciatrices de hauts fonds et reefs ! Slalom un peu à l’aveugle entre les barrières de corail, les patates : c’est un peu tendu !! Le logiciel SAS planète installé sur notre ordinateur, nous sauve une fois de plus, in extrémiste d’un échouage. On peut dire que cette invention ( de l’armée Russe) est un outil précieux pour les navigateurs. En branchant notre GPS dessus, nous pouvons voir précisément du ciel où l’on est par rapport aux reefs ou autres obstacles sur notre route. Et puis combien de mouillages non répertoriés, avons nous pu découvrir grâce à ces cartes !!!
Nous arrivons à bon port dans un lieu encore surprenant. De hautes falaises débordantes de végétation, nous encerclent. Le chant des oiseaux nous accueille et les chauves souris géantes volent au dessus de nous. A la tombée de la nuit, comme d’habitude, un univers sonore s’éveille. Le chant de milliers de criquets résonnent. Ce soir, le son est en stéréo grâce aux falaises qui répercutent leur écho…
Le lendemain, nous tentons de rejoindre les berges malgré la verticalité avoisinante. Une vielle baraque servait autrefois de lieu de culture de clams ( coquillages) peut être trouvera t on un accès de débarquement ?
Vu les roches partout présentes nous laissons l’annexe à l’ancre et rejoignons la terre ferme les pieds dans l’eau. En contournant le baraquement, nous tombons sur un sentier enfoui et découvrons des marches grimpant sur le haut de la falaise.
Nous débouchons au milieu de cultures, de forêts et de vaches que le vent tente de décorner. Notre mouillage est décidément bien abrité !!! Quelques kilomètres plus loin nous trouvons un village, aux jolies maisons et où les pneus recyclés font usage de pot de fleurs !
Marco retourne chasser. La chasse sous marine s’avère être une activité essentielle, tout comme la pêche. C’est le job de chaque jour que de trouver de quoi manger.
Sans cela, je doute que nous aurions pu réaliser ce même voyage. Partir durant des mois sur des îles désertes implique de s’organiser seuls et de pourvoir à nos besoins. S’il est parfois possible de se ravitailler, parfois nous ne pouvons compter que sur nous même et ce que la mer nous offre ! Alors même si les menus ne sont guère variés, on est toujours reconnaissants d’avoir notre assiette quotidienne de poisson, agrémentée de lait de coco fraîchement pressé, du pain que je fais chaque jour, de graines germées, de riz ou pâtes… Nous avons d’ailleurs pu constater que ce régime se révèle bénéfique ! Outre le fait que l’on ne s’encombre pas d’excédent de poids, il semble que nous soyons également en meilleure forme physique ! Pas un rhume ou crève depuis 6 ans ! Le fait de baigner en permanence dans l’eau salée doit y contribuer : thalasso à gogo !!!
Par ses apnées prolongées en chassant, Marco renforce aussi son souffle. Quand je le vois posé au fond tranquillement attendant les poissons et qu’à la surface je me goinfre de je ne sais combien de respirations, parfois cela m’inquiète… La chasse est un art qui demande une grande maîtrise. Elle nécessite beaucoup de calme, de patience. Mon chasseur sélectionne ses proies avec soin en fonction de la taille, de l’espèce ou du menu que je souhaite ! Parfois lorsque celles-ci sont trop faciles, il leur laisse la vie sauve ! Et surtout, il fait attention à ne prélever que ce dont nous avons besoin.
La vieillesse semble toucher Tidoudou cette année ! Beaucoup de casse, de dégradation, d’infiltration d’eau de mer… Depuis que les jeunes sont partis, le bricolage quotidien va bon train…
Certains travaux nécessitent d’être hors de l’eau pour réparer, comme refaire le joint de quille et reboucher des fissures, certainement responsables de la fuite dans les cales.
Mais en attendant nous profitons des 2 dernières semaines sur l’eau en explorant encore des lieux de Vava’u que nous ne connaissons pas. Il y a tant d’îlots qu’il serait difficile de tous les visiter, mais lorsque l’on peut on ne se gène pas. Les ambiances entre une île et l’autre diffèrent énormément.
Ce sont des bouquets de compositions particulières : parfois de hautes falaises vertes aux grottes sculptées, parfois de longs bandeaux de sable entourant des îles aux reliefs plats, parfois des forêts impénétrables, parfois des terres plus ou moins cultivées aux notes campagnardes, parfois habitées, parfois totalement désertes… Toutes celles-ci regroupées dans un périmètre pas très grand, dans une sorte de labyrinthe, ce qui permet de courtes navigation pour changer de lieu. On peut qualifier ce lieu de bassin de croisière exceptionnel. Et pour couronner le tout c’est le lieu unique au monde pour observer les baleines… De quoi avoir le souffle suspendu!!!